Six mains pour un clavier, puis huit, voire dix pour deux pianos. A s'y méprendre, le concert de vendredi soir à l'église de Verbier aurait pu ressembler à une performance de cirque, animée avec des fortunes diverses par une belle palette d'interprètes: Boris Berezovsky, Nikolai Lugansky, Yevgeny Subdin, Alexander Gurning et Lily Maisky. Tous se sont mesurés à des pièces courtes et ont presque toujours convaincu. Les débuts ont été difficiles: les arrangements de Gyorgi Kurtag d'extraits des Chorales BWV 687 et 637 de Bach se sont révélés quelque peu académiques sous les doigts de Berezovsky, Lugansky et Subdin. La faute à des tempi trop lents, adoptés comme des béquilles artificielles dans le but, sans doute, d'éviter l'égarement des doigts. Le riche programme a cependant réservé des moments plus réussis: une Invitation à la danse op. 65 pour deux pianos et huit mains de von Weber arrangée par Gabriel Marie, ou encore, avec la même configuration, la Marche de Rákóczy de Liszt dans un arrangement d'August Horn.
Après cette parenthèse amusante, parfois cocasse (tourner les pages de la partition relevait autant du défi que jouer sur les touches encombrées), la véritable magie s'est produite avec la Suite N°2 pour deux pianos op.17 de Rachmaninov. Boris Berezovsky et Nicolai Lugansky ont enchanté avec un jeu enlevé et un regard profond sur l'œuvre, dont on n'est pas près d'oublier la splendide «Tarentelle: Presto en ut mineur».