Critique: «Avant la séance de cinéma». Sur un air d'autrefois
Critique: «Avant la séance de cinéma».
«La nuit blanche, la nuit merveilleuse! Abrite-nous ici dans ta brume légère.» Avant la séance de cinéma renoue avec une époque révolue, celle du ciné-théâtre où, dans la Russie soviétique, la projection d'un film était précédée d'une fête. On y chantait et buvait au rythme des élans du cœur et des romances naïves. Ce sont ces chansons sentimentales, accompagnées d'un orchestre de fortune, que Youri Pogrebnitchko restitue trait pour trait à Saint-Gervais. Une nostalgie sans concession qui donne des frissons.
Youri Pogrebnitchko n'a pas de problème avec la modernité. S'il décide de plonger dans l'époque de grand-papa, il ne le fait pas à moitié. Et son équipe, derrière, ne joue pas plus le second degré. Dès lors, à l'heure du théâtre de rupture, on assiste à une proposition surréaliste où, sur une estrade et sous une guirlande d'ampoules multicolores, trois musiciens et une chanteuse enchaînent les titres désuets. Ce pourrait être kitsch, longuet, c'est totalement émouvant.
Déjà parce que Natalia Rojkova possède la voix et le physique de l'emploi. Cousine russe de Julietta Masina, la chanteuse toute blonde, toute ronde, bouleverse avec sa gestuelle maladroite et sa voix cristalline. A ses côtés, faussement grognons ou distraits, les musiciens (piano, guitare, accordéon) enchaînent les gags les plus éculés, provoquant chaque fois l'hilarité.
Ensuite, si le public est aussi chaviré, c'est que ces drôles, l'air de rien, puisent dans un fonds universel, commun, de simplicité et d'humanité. Un fonds que beaucoup d'artistes rêvent de dénicher.
Avant la séance de cinéma, jusqu'au 11 octobre, au Théâtre Saint-Gervais, à Genève, loc. 022/908 20 20, http://www.sgg.ch, 1h20