Au seuil d'Utzgur!, l'inconnu. Dans la salle, un film projeté sur toute la paroi. Six jeunes gens dans un chalet de montagne. L'un fugue sur une route, halète dans un tunnel, plonge nu dans un lac. Ce sont des solitudes saisies par le cinéaste Frédéric Lombard. Le métier d'homme quand il cherche à éprouver son corps et la matière. Ces images sont un puissant préambule au sujet de Mathieu Bertholet: la possibilité d'être héroïque aujourd'hui.
Ce premier acte filmé, on le vit assis sur un tronc. Puis on passe dans une autre salle, jonchée de jouets miniatures. D'autres troncs nous attendent. On y retrouve les acteurs du film. L'un, crâne nu, crache en anglais qu'il est le roi des ombres. Un autre évoque le sexe bandé d'un amant de passage, un autre encore décrit la mutation d'un enfant perdu en terroriste.
Dans cet essaim de mots, on entend le désarroi de Mathieu Bertholet, sa soif de corps, son effarement devant les ruines d'hier et d'aujourd'hui.
Ce texte, c'est une pellicule avant le montage. Il faut de la force pour la dérouler. Les acteurs en ont. Le public en a aussi pour supporter truismes et vanités de l'opus. Car c'est le spectateur, le vrai héros de la soirée. Lui qui accepte de ne plus savoir. C'est notre soif partagée de comprendre qui fait le prix de la représentation. Utzgur! a ce mérite: souffler qu'on va au théâtre pour se perdre, dans l'espoir insensé de se retrouver.
Utgur! (2h), Genève, Théâtre du Grütli, 16, rue du Général-Dufour, jusqu'au 5 novembre (loc. 022/328 98 78).