Faire corps avec un piano, c'est difficile - l'instrument pèse un quintal, il ne se transporte qu'avec des déménageurs. Faire corps avec une clarinette, c'est tout à fait possible. Jeudi matin à l'église de Verbier, le Suédois Martin Fröst, bientôt 35 ans et un enfant, en a livré la démonstration. Il fallait le voir tourbillonner avec son instrument, ployant le corps au rythme de son souffle, inspirant et expirant de grandes bouffées d'air.

Qu'il joue Schumann (Fantasiestücke opus 73), Poulenc (Sonate pour clarinette et piano), Debussy (Première Rhapsodie) ou Chausson (L'Andante et Allegro), Martin Fröst excelle à varier les humeurs. Son jeu, tantôt souple et félin, tantôt sec et tranchant, se distingue de la conception plus classique (et parfois ennuyeuse) d'une Sabine Meyer. Il n'hésite pas à prendre des risques, revendique un ton subjectif, sans pour autant trahir les compositeurs qu'il sert. Julien Quentin l'accompagne à la perfection. Ce pianiste né à Paris, qui fut l'élève d'Alexis Golovine à Genève, développe un toucher sensible, coloré.

Martin Fröst s'empare à lui seul de la scène pour deux pièces. Si l'Abîme des Oiseaux de Messiaen tient de l'énigme sublime, Invisible Duet pour clarinette et CD de son compatriote Fredrik Högberg (né en 1971) s'apparente à un jeu amusant mais un peu creux, où le soliste dialogue avec des sons électroniques très lounge. Un show-man est à l'œuvre, qui fait de son corps un prolongement de la clarinette.