Pas de dispendieux album souvenir, de rétrospective en disque ou de statue à sa propre gloire. Le Cully Jazz Festival, pour sa trentième édition, décide de tout parier sur l’instant. L’affiche de cet anniversaire suffira donc pour marquer une longévité mélomane et un goût profond pour les belles choses. Des stars? Oui! Bobby McFerrin tout seul qui saura faire chanter un chapiteau voué à la cause du swing. George Clinton, aussi, en invité spécial d’Amp Fiddler. Mais aussi Branford Marsalis, dont le saxophone a des reflets funky. Du 13 au 21 avril, il faudra compter avec Cully. Son clinquant, c’est certain, mais surtout son sens de l’exploration.
Ils réinvitent Mina Agossi, en ouverture. Elle chante Tom Jobim, des frissons rock au bout des lèvres. Mais aussi la voix d’émeri de My Brightest Diamond, comme si la musique se jouait d’abord sur les dérapages. Le trio d’Oxmo Puccino, au Temple, en sera sans doute la démonstration: du velours de poésie, le réflexe jazz du rap. Youn Sun Nah, la Coréenne au sang chaud, se glisse aussi dans cette programmation particulièrement vocale. Comme Madeleine Peyroux, une sorte de réminiscence plus bucolique de Billie Holiday. Autre timbre tout cassé, celui de l’Argentin Melingo qui ravale la façade de tangos d’école, comme un Tom Waits de la pampa. Sandra Nkaké complète ce tableau chanté, elle qui a travaillé au corps la mauvaise réputation de Brassens, avec des pulsations d’electro maligne.
Cully aime le monde. Cela s’entend à chaque édition. Une soirée panoramique, où des Perses (la famille Chemirani) en remontrent à un Indien (Trilok Gurtu) qui suit un groupe de mystiques marocains (Aziz Sahmaoui et ses Gnawas). Avant cela, un pianiste de la meilleure académie havanaise, Harold Lopez Nussa, remet de l’afro dans le cubain, avec la diva malienne Mamani Keita. Parmi les urbains parfaits, Get the Blessing est une émanation crépitante de Portishead. Et Piers Faccini bouleverse les sens dans une église qui lui est dévouée. Histoire de voir, une fois encore, jusqu’où le swing s’épanche dans son acception la plus universelle.
Entrées multiples
Et puis, il y aura des hérauts jazzeurs. Inutile de préciser que le Jamaïcain Monty Alexander, avec ses 50 ans de carrière, lance la série. Vijay Iyer, prodigieux ouvrier mathématicien du piano new-yorkais, la poursuit. Et Carla Bley, coupe au carré et arrangements en quinconce, la termine avec grâce. On ne pourra pas faire le tour de cette année à entrées multiples. Mais sachez encore qu’il faudra réserver rapidement son siège pour le concert sommital de Medeski, Martin & Wood. Une sorte de power trio des avant-gardes jouissives.
Cully Jazz Festival. Du 13 au 21 avril. 021 799 99 00. www.cullyjazz.ch