Accipimus peritura perituri (Sénèque), éphémères nous sommes voués à l'éphémère, et pourtant nous aspirons à chaque respiration à l'éternité et à l'universel. Nous cherchons à tisser dans la tradition une grille dans laquelle chacun puisse épanouir sa conscience. Il y a, avec la littérature, un art qui peut favoriser ces objectifs; la bande dessinée, centenaire, contemporaine et universelle, du Japon aux Etats-Unis par la Suisse, mêlant image et texte, peut tout exprimer, s'adresse au plus grand nombre, implique une lecture, incite à une distance et favorise une prise de conscience.
Le festival est pour la plupart un événement, emblème d'une société infantilisée par des politiciens, des marchands et des médias complices. Il faut, à notre avis, inscrire son évanescence dans une perspective de développement durable, dans une continuité temporelle et dans un espace animé en permanence par la BD. Le citoyen, le piéton, l'homme et la femme ordinaires vivent, se cultivent et se développent chaque jour.
Si la Suisse romande est petite, elle est riche de créateurs, de lecteurs, le pouvoir d'achat y est élevé, elle offre un espace suffisant pour un grand festival BD, le Salon du livre de Genève et les deux petits et dynamiques festivals de Tramelan et Belfaux, voire un nouveau Sierre.
Quels sont les objectifs d'un festival?
Avoir une visée culturelle: réunir durant quelques jours des acteurs divers de l'univers de la BD et tous les publics possibles pour favoriser le développement culturel, les connaissances, le goût de la lecture et du dessin, le respect et l'appropriation de l'art, la créativité, les échanges, les rencontres, pour diminuer les clivages culturels et sociaux, la ghettoïsation galopante de la société. Inscrire ces visées dans une durée annuelle, au quotidien, entre les éditions du festival, grâce aux institutions existantes, bibliothèques, musées, écoles, et aussi librairies qui entretiendront ces pratiques de façon permanente.
Qui devrait y participer?
Des créateurs vedettes, reconnus, connus, peu connus, méconnus, inconnus, indigènes et étrangers. Des éditeurs, grands, petits, minuscules, amateurs ou de fanzines. Des marchands, libraires, galeristes, vendeurs de planches. Des publics de tous âges, sexes, niveaux de lecture, de compétence, de connaissances et cultures variées.
Que devrait-il s'y passer?
Ventes (nécessité économique qui devrait toujours être une occasion de rencontre et d'échange) et dédicaces (souvent critiquées, elles devraient incarner la rencontre dans une société trop virtuelle). On y discute, on voit travailler le dessinateur, celui-ci fait connaissance de son public qui lui renvoie une image. Expositions thématiques (sociologie, esthétique…), de divers pays, écoles ou sous-genres, de niveaux variés, de petits éditeurs, de planches originales. Prix et distinctions. Jeux et concours. Conférences, entretiens et visites guidées. Il s'agit de respecter un équilibre entre le classique et l'avant-garde, les livres de grande vente et les tirages confidentiels qui sont, par définition, indispensables.
Quelles sont les conditions d'un grand festival BD?
– L'amitié et la synergie de connaisseurs de la BD, gestionnaires, animateurs, les majors de l'édition, une entité politique urbaine, des sponsors privés et publics…
– Un lieu géographique propice (masse critique), central, nœud de communication… qui compterait des librairies, une bibliothèque publique riche en BD, un centre de recherche BD… terreau dans lequel s'incarner et s'enraciner.
– Présence de dessinateurs vedettes et locaux.
– Une image dépendant d'un climat de confiance entre les partenaires et liée à une idée de qualité, de durée et de répétition que les médias contribuent à construire.
– Un suivi toute l'année des projets et des semailles et des réalisations par un secrétariat permanent en liaison avec les institutions culturelles locales spécialisées.