Il n'est pas de festival de cinéma qui se respecte qui n'aligne aujourd'hui un film sud-coréen signé par un dénommé Kim, Lee ou Park (mais comment s'y retrouvent-ils?) ni de Locarno sans rescapé du festival américain de Sundance (la grande messe du cinéma indie, en janvier). Autant dire que la compétition locarnaise a débuté jeudi de manière très prévisible. Tant par la provenance des films que par leur niveau plutôt moyen et leur caractère strictement non distribuable sur le circuit commercial.
Loin de la querelle des quotas coréens qui fâche Hollywood et l'OMC, Don't Look Back de Kim Young-nam et Half Nelson de Ryan Fleck, deux premières œuvres, ont ainsi dialogué à distance, sans parvenir à réaliser totalement leurs promesses d'un cinéma aux prises avec la vraie vie.
Côté coréen, cela se traduit par trois histoires de jeunes gens de 20-30 ans en butte à de sérieuses difficultés relationnelles. Quel lien entre le retour du père indigne d'une jeune fille, un amour trop idéalisé côté masculin et la fin d'un autre pour un militaire trop longtemps absent? Assistant du grand Hong Sang-soo sur La Femme est l'avenir de l'homme, Kim Young-nam marche clairement sur ses traces et réussit des plans-séquences formidables. Mais il délaisse par trop la cohérence narrative et la cohésion de l'ensemble, générant une certaine indifférence du spectateur, mi-séduit mi-agacé.
Côté américain, c'est un certain ancrage documentaire qui est supposé faire la différence. Mais cette histoire d'un jeune prof de lycée à la dérive, drogué et désillusionné, qui noue une belle relation avec une élève noire de famille défavorisée, manque cruellement de style. Ryan Gosling, jeune acteur qui monte, a beau en rajouter dans les mines de chien battu, les plans tournés et montés n'importe comment ne font jamais ressentir intimement son spleen. Quant à la tentative, a priori intéressante, d'ancrer ce récit dans l'histoire de la condition afro-américaine (utilisation de vidéos sur le mouvement des droits civils), elle reste trop velléitaire.
Ces prochains jours, il faudra proposer beaucoup mieux pour nous faire croire à un saut qualitatif de la compétition.