Déferlante roumaine sur Cannes
festival du film
Un certain regard «Mardi, après Noël» de Radu Muntean révèle un 4e mousquetaire roumain. Analyse
Privée cette année de compétition, la Nouvelle vague roumaine s’est retrouvée en force dans les marges de la sélection officielle: deux films dans «Un certain regard» et une mystérieuse «Autobiographie de Nicolae Ceausescu» (Andrei Ujica) simplement «hors compétition». Nous avons dit tout le bien que l’on peut penser du radical «Aurora» de Cristi Puiu. Moins attendu, «Mardi, après Noël» de Radu Muntean est lui aussi impressionnant, quoique plus limité dans ses ambitions.
Quatrième mousquetaire de la «nouvelle vague roumaine» derrière Cristi Puiu, Christian Mungiu et Corneliu Porumbuiu, un peu en retrait, l’auteur de «Le Papier sera bleu» (Locarno 2006, sur la nuit de la révolution) et de «Boogie» (Quinzaine des réalisateurs, 2008) présentait cette année un drame de l’adultère d’une extraordinaire banalité. C’est l’idée. Côté récit, pas grand-chose à résumer au-delà d’un banquier quadra qui mène une double vie depuis quelques mois, jongle au quotidien, amène son épouse, sa fillette et sa maîtresse à se rencontrer, puis finit par craquer, avec des conséquences prévisibles. Ce qui est extraordinaire ici, c’est bien sûr le style, tout en longs plans-séquences quasi fixes, qui laissent aux acteurs le temps de déployer une vérité émotionnelle rarement égalée.
Le sommet arrive dans la scène de l’aveu, qui doit durer un bon quart d’heure, et dans laquelle Mirela Oprisor (l’épouse) passe par tous les états: incrédulité, résignation, mépris, dureté, larmes, rage, violence physique et amertume. Maria Popistasu (la jeune maîtresse) n’est pas moins étonnante, tandis que le bedonnant et grisonnant Mimi Branescu (le mari) fait sans peine croire à sa veulerie. Reste que le minimalisme de la mise en scène, avec ses cadrages rapprochés sur écran large tous semblables, finit par dévoiler également les limites de l’exercice. Le décor reste sans intérêt, la musique absente, le suspense minimal. Alors bien sûr, le réalisme intime est une noble quête. Mais comme seul horizon, c’est un peu insuffisant. Preuve que sans un minimum de distance, d’humour ou de métaphysique, il n’est sans doute pas de chef-d’œuvre possible.