Elles tournent suspendues au plafond et l’amplitude de leurs jupons virevoltants, rouge bordeaux et fuchsia, se reflète dans les miroirs de la piste. Les différentes découpes du tissu déterminent les mouvements de ces Danseuses qui répètent pour la fête d’inauguration du Moïtel, un ancien motel que l’Atelier Oï a transformé et adapté à ses besoins. A l’occasion de la présentation de ses nouveaux locaux, lors d’une journée portes ouvertes, le 26 septembre prochain, à La Neuveville (BE), ce bureau de design, de scénographie et d’architecture monte une installation aux accents de flamenco. Manière de résumer un état d’esprit et surtout une méthode qui s’est progressivement affirmée et affinée au cours du temps.

Les visiteurs de l’Atelier Oï verront donc comment une idée telle que celle des Danseuses, bientôt exposées chez Vitra, prend corps. Comment elle évolue en formes, comment elle mûrit en objets – lampes à suspension ou vases, qui sait? – et comment elle nourrira peut-être, par la suite, tel projet ou tel autre. «Pour nous, explique Patrick Reymond, fondateur de l’atelier avec Aurel Aebi et Armand Louis, l’installation représente un creuset d’idées, un procédé de recherche, un véritable laboratoire.» Depuis l’extérieur du Moïtel, on peut observer la mise en place des Danseuses. Car si la façade du bâtiment, en bordure de route côté lac de Bienne, rappelle l’affectation hôtelière ancienne, la façade opposée, légèrement avancée et profondément transformée, laisse entrevoir par une succession de hauts vitrages les espaces d’installations de l’atelier. Vitrine et surtout lieu de travail accueillant une trentaine de collaborateurs, le Moïtel répond également à une volonté d’échanges. Aussi, deux chambres de l’ancien motel ont été conservées pour permettre la résidence de stagiaires étrangers et l’hébergement de visiteurs de passage.

La troïka – l’atelier a extrait son nom de ce mot – a entamé son activité sans grande préméditation, il y a de cela dix-huit ans. Patrick Reymond, 47 ans, et Aurel Aebi, 43 ans, ont appris leur métier à l’Ecole d’architecture Athenaeum, à Lausanne. Ils en retiennent surtout la pluridisciplinarité chère au père de l’institution, ­l’architecte Alberto Sartoris. Armand Louis, 43 ans, a débuté dans la construction navale. C’est lui qui a introduit ses partenaires à l’exploration des matériaux. «Grâce à son atelier, raconte Patrick Reymond, nous possédions un outil de production qui nous permettait de travailler depuis la conception d’objets jusqu’à leur réalisation. Nous avons commencé par des concours et des travaux sans mandat. Notre manière de travailler n’a pas varié depuis: nous nous plaçons en situation d’autoproduction continuelle. Et les projets que nous lançons alimentent les mandats à venir.»

Leur inspiration et leur force, ils les tirent des matériaux qu’ils explorent, dont ils expérimentent systématiquement les possibilités dans les situations les plus diverses. Ainsi, à partir de la corde, ils développent une scénographie tout entière – le fil rouge, au sens propre du mot, d’une exposition au Musée de design et d’arts appliqués contemporains de Lausanne. Et ils construisent aussi une série de meubles d’extérieur, la collection Reel. Des cordes, ils passent aux bandes de tissus tressés et découpés. Ils s’exercent de la même manière aux structures métalliques. Et l’on se souvient de leurs forêts de joncs colorés et lumineux plantés autour de l’arteplage de Neuchâtel lors d’Expo.2.

Chaque savoir acquis leur permet d’agrandir leur champ d’intervention et de répondre à de nouvelles sollicitations. Le verre est récemment venu s’ajouter aux territoires défrichés grâce au nouveau flacon commandé par Bulgari: «Nous avions à mettre en scène un parfum, élément immatériel autant que précieux. Et nous avons décidé de jouer des formes et de la lumière jusqu’à parvenir à la couleur bleue voulue.» Désormais familier du monde du luxe, l’Atelier Oï a construit à Cormondrêche le bâtiment DYB, Centre de compétence de bijouterie, gemmologie, sertissage et métiers d’art de Swatch Group, dont la façade spectaculairement ajourée sert de filtre à la lumière. Il a réalisé des boutiques et des scénographies pour plusieurs marques horlogères.

Lancé dans plusieurs recherches simultanées de meubles, de luminaires et d’objets demandés par d’importants éditeurs de design suisses et étrangers, l’Atelier Oï se profile aujourd’hui comme l’un des principaux bureaux du pays. Sa prospérité, il la doit sans doute à son pragmatisme, à sa versatilité ainsi qu’à son agilité. Stratégiquement situé sur la frontière des langues, il prospère, indépendant de toute appartenance, dans toutes les directions.

Rens. www.atelier-oi.ch