Ambiguïté
Mais ce procès est resté ambigu de bout en bout. Le héros de Plateforme, qui tient des propos encore plus excessifs que son créateur, reste constamment présent dans les débats. Le président rappelle à l'ordre Dalil Boubakeur qui ne cite pas Michel Houellebecq, mais son personnage. «Ce procès ne porte pas sur le livre, mais sur les propos publiés par Lire et Le Figaro», doit-il répéter plusieurs fois.
Michel Houellebecq est assigné pour provocation à la haine raciale et injures en raison de l'appartenance religieuse, sur la foi de phrases comme celles-ci: «[…]la religion la plus con, c'est quand même l'islam. Quand on lit le Coran, on est effondré… effondré!» et «L'islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition. Heureusement, il est condamné. D'une part, parce que Dieu n'existe pas, et que même si on est con, on finit par s'en rendre compte.»
A l'ouverture de son procès, Michel Houellebecq a reçu le pire soutien qu'il pouvait craindre. Une vingtaine de membres du Mouvement national républicain de Bruno Mégret sont venus manifester avec des tee-shirts frappés d'une Marianne bâillonnée. Après leur expulsion, et après la lecture de l'acte d'accusation, l'écrivain s'est présenté à la barre, petit, légèrement voûté, chemise grisâtre à carreaux sur son pantalon. Il a fait valoir que les phrases incriminées étaient sorties de leur contexte, qu'il ne s'en prenait pas seulement à l'islam, mais à tous les monothéismes. Il a nié être raciste, mais il a revendiqué le droit de critiquer l'islam. «Vous avez dit: tous les musulmans sont des cons», lui jette un avocat de la partie civile. «Je n'ai jamais dit ça», répond Michel Houellebecq, «j'ai dit qu'ils pratiquaient une religion stupide».
Michel Houellebecq a choisi une stratégie de défense indirecte. Devant le tribunal, il s'en prend au magazine Lire, qui aurait déformé ses propos (une retranscription qu'il qualifie de «malveillante»), et à son rédacteur en chef, Pierre Assouline, qui a publié deux éditoriaux où il met l'accent sur ses sentiments anti-musulmans (une attitude qu'il juge «crapuleuse»). «Pierre Assouline est avant tout un biographe qui est persuadé qu'il y a dans une vie d'écrivain un honteux secret qui expliquerait son œuvre», explique Michel Houellebecq. «Il a imaginé une théorie selon laquelle ma mère m'aurait abandonné pour se convertir à l'islam, abandon qui serait à l'origine de mes propos.»
À la barre, Pierre Assouline se défendra en disant l'estime dans laquelle son magazine tient les livres de Michel Houellebecq. «Je regrette qu'il ait brusquement changé d'avis à propos de Lire, une année après la publication de ces articles.» Et à un avocat de la partie civile qui l'accuse d'avoir mené une opération commerciale, il répond: «Le risque de l'activité de journaliste est de plus en plus grand du fait de la judiciarisation de la vie littéraire. Je le regrette. Je regrette que ces associations nous aient traînés devant un tribunal. J'aurais préféré qu'il y ait un débat… Pourquoi pas dans Lire».
Le jugement est mis en délibéré.