Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à différents endroits du centre de Moscou sous une pluie fine, sous la surveillance d'un important dispositif de policiers et de soldats de la garde nationale, qui n'ont pas tardé à commencer les premières arrestations, selon des journalistes de l'AFP.

Selon l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des arrestations, au moins 89 personnes ont été interpellées une heure après le début de la manifestation, qui n'a pas été autorisée par les autorités.

Avocate interpellée

La manifestation se déroule sans leader puisque les condamnations se sont multipliées depuis une autre action de protestation le week-end dernier dans la capitale russe, qui s'est soldée par près de 1400 interpellations, du jamais vu depuis le retour du président Vladimir Poutine au Kremlin en 2012.

Dernière opposante d'envergure encore en liberté, Lioubov Sobol, une avocate de 31 ans, a été interpellée quelques minutes avant le début de la manifestation.

«Les autorités font tout ce qu'elles peuvent pour essayer d'intimider l'opposition, pour s'assurer que les gens ne sortent pas dans la rue pour protester pacifiquement», a-t-elle déclaré avant son arrestation. En grève de la faim depuis trois semaines, elle a jusqu'ici échappé à la prison du fait qu'elle a un enfant en bas âge.

Nouvelles charges contre Navalny

Le principal opposant au Kremlin, le blogueur anticorruption Alexeï Navalny, purge depuis le 24 juillet une peine de 30 jours de prison. Hospitalisé le week-end dernier pour une "grave réaction allergique" avant d'être renvoyé en cellule, il a saisi la justice pour un possible «empoisonnement.»

Samedi, la justice russe a annoncé l'ouverture d'une enquête pour "blanchiment" contre son organisation. Les enquêteurs ont accusé dans un communiqué le Fonds de lutte contre la corruption de M. Navalny d'avoir reçu de manière illégale des sommes atteignant près d'un milliard de roubles (15 millions de francs).

La plupart de ses alliés et des autres meneurs de la contestation ont eux aussi écopé de courtes peines de détention, à commencer par plusieurs candidats de l'opposition refoulés des élections locales de septembre tels qu'Ilia Iachine, Ivan Jdanov et Dmitri Goudkov. Lioubov Sobol, avocate de 31 ans, est pour sa part en grève de la faim depuis presque trois semaines pour protester contre son éviction du scrutin.

«La Commission électorale ne fait pas son travail, les tribunaux ne font pas leur travail. La seule chose qui fonctionne, c'est la rue», a déclaré sur Twitter la jeune femme, qui a échappé à la prison du fait qu'elle a un enfant en bas âge.

Accentuant encore la pression d'un cran avant la manifestation de samedi, la justice a inculpé plusieurs personnes dans le cadre d'une enquête pour «troubles massifs», une accusation lourde qui fait planer la menace de peines allant jusqu'à 15 ans de prison. Quatre d'entre elles, dont des avocats travaillant pour des ONG de défense des droits, ont été placés en détention provisoire vendredi dans l'attente de leurs procès.

Tuée dans l'œuf

La police a pour sa part appelé à renoncer à la manifestation, promettant de «réagir immédiatement.» Le maire de Moscou loyal au Kremlin, Sergueï Sobianine, a mis en garde l'opposition contre toute «nouvelle provocation.»

La contestation a démarré après le rejet des candidatures indépendantes aux élections locales du 8 septembre, qui s'annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de grogne sociale. Il s'agit de l'un des mouvements de protestation les plus importants depuis les manifestations contre le retour au Kremlin de Vladimir Poutine, sévèrement réprimées en 2012. Les autorités semblent, cette fois, déterminées à tuer dans l'oeuf toute contestation.

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Jeudi, le Fonds de lutte contre la corruption d'Alexeï Navalny a répliqué en accusant dans une enquête l'adjointe du maire de Moscou, Natalia Sergounina, d'avoir détourné des milliards de roubles d'argent public dans la gestion du parc immobilier de la mairie.

Visite des impôts

Selon l'opposition, la détermination des autorités à barrer l'entrée de ses candidats au Parlement de Moscou lors du scrutin du 8 septembre s'explique par le fait qu'ils pourraient découvrir et dénoncer en cas de victoire les nombreux circuits de corruption et de détournement dans la gestion d'une ville au budget annuel faramineux de 38 milliards d'euros.

De nouvelles perquisitions ont eu lieu vendredi chez des partisans des opposants Dmitri Goudkov et Lioubov Sobol, cette dernière ayant même reçu un avertissement du Parquet lui enjoignant de ne pas organiser de manifestation.

La chaîne de télévision indépendante Dojd, qui couvre abondamment les actions de l'opposition, a de son côté reçu la visite du service des impôts jeudi après avoir décidé d'accorder aux Russes un accès gratuit à plusieurs de ses reportages.

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Après une première manifestation durement réprimée le weekend dernier, les tribunaux russes ont placé 88 personnes en détention provisoire et condamné 332 autres à des amendes. Trois enquêtes pour «violences» à l'encontre de la police ont été lancées, un délit passible de cinq ans de prison.