Dominique Ziegler, le vers révolutionnaire
Scène
A l’Alchimic, à Genève, Dominique Ziegler revient sur l’affaire «Tartuffe» à travers un drame historique versifié. Les comédiens excellent, mais le tout ronronne

Ombres sur Molière
Dominique Ziegler, le vers révolutionnaire
Dominique Ziegler, ce très sage contestataire. Qui, pour dénoncer l’hypocrisie et la censure des puissants, écrit une pièce en alexandrins, dans le plus pur style de Molière. L’exercice est bluffant, le jeu des comédiens, plus que convaincant, mais le tout laisse une impression étrange, comme un retour en arrière. C’est que Molière agaçait les grands avec la griffe de son temps. Ici, sur fond de rideaux cramoisis, l’alexandrin joliment déroulé fait l’effet d’un devoir d’école du passé. Amusant, cela dit, de voir cet agitateur volontiers donneur de leçons transformé en élève appliqué!
Si Jean-Paul Favre n’existait pas, il faudrait l’inventer. Ce comédien et chanteur lausannois, tout en mimiques comiques, amène une joie inquiète à chacune de ses entrées. Dans Ombres sur Molière, pièce consacrée à l’affaire Tartuffe, il est conseiller en divertissements du Roi-Soleil et ce titre lui va comme un gant. Il ruse, flatte, s’emballe, se repent, bref, se comporte en parfait courtisan.
Dans le rôle de Molière, Yves Jenny est aussi saisissant. Il donne au maître attaqué une suffocation pleine de sincérité. A ses côtés, Caroline Cons joue une Madeleine sévère et protectrice, la jeune Yasmina Remil, une Armande joueuse et séductrice. Quant à Jean-Alexandre Blanchet, qui a fait des merveilles dans Le Trip Rousseau, il compose Du Croisy, paisible acteur de la compagnie, et Roullé, prélat dément, convaincu que Poquelin est l’ami du Malin.
Elle est là, la clé du trauma. Dans Tartuffe, comédie écrite en 1664 alors que la troupe a enfin son théâtre royal, Molière épingle les faux dévots. Les jésuites du Saint-Sacrement, qui ont les faveurs de la reine, crient à l’offense céleste et la pièce, après avoir été encensée, est censurée.
Entre le travail sur la langue et la documentation, Ziegler a mis trois ans à écrire ce drame historique qui, avec ses cinq actes versifiés, prend une forme classique. La chose est bien tournée et le public de l’Alchimic est ravi. Mais la révolution ronronne.
Ombres sur Molière, jusqu’au 27 septembre, Alchimic, Genève, 022 301 68 38, www.alchimic.ch