Qu’y a-t-il de plus drôle, avec la blague catastrophiste à 260 millions de dollars signée par Roland Emmerich (Independence Day, Godzilla, Le Jour d’après)? Sans doute le fait que sa promotion soit parvenue à pousser les médias à disserter très doctement d’une fin du monde annoncée par les Mayas au 21 décembre 2012, au point d’obliger la NASA à infirmer cette légende.

Il se trouve, pour ne rien gâcher, que le film lui-même est sans doute la comédie la plus chère jamais réalisée. Pas la peine de s’attarder sur les effets spéciaux, absolument stupéfiants, qui montrent comment, suite à un caprice du soleil, le noyau de la planète bleue se réchauffe, disloque la croûte terrestre, ventile les continents et en éparpille les morceaux aux quatre coins du monde façon puzzle (à un moment, les Etats-Unis, avant de sombrer dans un tsunami qui chatouille l’Everest, deviennent même le pôle Sud!): on a compris depuis Jurassic Park et surtout Le Seigneur des Anneaux que le cinéma, de nos jours, peut tout représenter de manière réaliste et que l’art de la suggestion appartient au passé.

Inutile, également, de décrire la famille, forcément recomposée (autour d’un John Cusack plus improbable et second degré que jamais), qui sera sauvée in extremis: comme dans Independence Day, l’humanité survit par une solidarité et un courage insoupçonnés, ainsi qu’une philosophie altruiste qui tient surtout du prêchi-prêcha, mais dont même un chien bénéficie. Adam, Eve, quelques milliers de figurants et un toutou donneront d’ailleurs lieu à 2013, un projet de série qui titille actuellement les patrons de la chaîne ABC.

Le salut vient d’Afrique

Il faut, par contre, signaler que ce mastodonte hollywoodien capable, par moments, de ramener le cinéphile le plus blasé à ses émerveillements de jeunesse (Emmerich connaît son Spielberg illustré par cœur) est aussi un pamphlet. Emmerich, ancien porte-drapeau d’une Amérique montée sur trépied (Independence Day), prolonge en effet le revirement ironique aperçu dans son antépénultième Le Jour d’après (passons sur l’épouvantable 10 000 BC sorti l’an dernier) .

Prolongement d’abord, dans sa caricature de la dialectique Nord-Sud: la catastrophe est annoncée en Inde, mais le salut vient d’Afrique. Cette vision des pays en voie de développement comme Arche de Noé des nations les plus riches s’accompagne d’une description hilarante du G8. Représentés par des comédiens qui évoquent très vaguement Barack Obama, Angela Merkel ou Nicolas Sarkozy, ceux-ci sont avertis en 2009 et organisent en secret leur survie, ainsi que celle de 400 000 privilégiés, quelques œuvres d’art comme La Joconde, et des animaux, girafes, hippopotames et autres, qui, image spielbergienne plutôt que biblique, sont héliportés à travers l’Himalaya.

Mais le plus drôle, c’est encore l’altermondialisme d’Emmerich. Car le choix des survivants par le G8 n’a rien de scientifique. Il n’est pas non plus tiré à la courte paille. Non, les 400 000 survivants sont ceux qui ont payé leur billet: un milliard d’euros par tête de pipe. En découle une scène d’anthologie: lorsque les heureux élus, pour majorité des hommes d’affaires grisonnants, s’avancent vers leur salut, un personnage lâche: «C’est ça vos Adam et Eve?»

2012, de Roland Emmerich (USA, Canada 2009), avec John Cusack, Amanda Peet, Chiwetel Ejiofor, Oliver Platt, Thomas McCarthy,

Woody Harrelson, Danny Glover. 2h38.