Le 4x4 noir, symbole d’une influence esthétique dans les séries TV
Séries TV
Dans «Braquo», Olivier Marchal ne montre pas de voitures de police françaises ordinaires, parce qu’elles sont «infilmables». Ou parce qu’elles ne correspondent pas à l’imagerie véhiculée par les fictions américaines?
Etudions encore un peu Braquo (lire ci-contre). Parce que c’est la série événement de l’année, selon les stratèges de Canal+, qui lui ont assuré une promotion inédite. Aussi parce que le feuilleton d’Olivier Marchal, quels qu’en soient les qualités et les défauts, offre une belle matière à réflexion pour les sériephiles. Par exemple, sur l’effet de distorsion esthétique qui s’opère dans certaines représentations.
Même si les fictions TV circulent de plus en plus (LT du 31.10.09), l’influence de l’imagerie américaine demeure prédominante. Prenons les voitures de Braquo. Toutes banalisées. Pas de Peugeot ou de Renault blanches aux bandes bleue et rouge. Ni de gyrophares tournoyants. Chez Capa Drama, qui produit la série, on ne donne pas dans le nationalisme automobile, même par temps de crise du secteur. On ne cède pas non plus à la mode écologique. On préfère des 4x4 noires plutôt bourrues, d’Audi ou autres marques, ainsi que des BMW ou des Ford bien pesantes. La stridence des sirènes est remplacée par le crissement des freins et le râpage des pneus.
Anodin? Voire. Présentant sa série, Olivier Marchal a glissé, à propos des vrais véhicules de la police nationale, que «ça jure. En France, les voitures de police sont infilmables.» Pourquoi ne peuvent-elles être filmées? Parce qu’elles seraient objectivement moches, ou parce qu’elles ne correspondent pas à l’imagerie courante – laquelle, comme de juste, est américaine? En regardant un seul petit quart d’heure de n’importe quelle série américaine de grande audience, policière ou d’action, on assiste au défilé d’un nombre impressionnant de… 4x4 noirs. La frêle Peugeot perd toute superbe, parce qu’elle n’a plus les armes pour rivaliser.
On peut penser de même à propos des étranges locaux que les enquêteurs de Braquo utilisent en guise de bureau. Un genre de hangar brunâtre, découpé par quelques cloisons définissant des espaces vides. Olivier Marchal garantit l’authenticité de ce décor. Interrogés par des médias français, des policiers ont acquiescé, en précisant que c’était parfois le cas il y a vingt ans. Surtout, l’usage de l’entrepôt comme terrain de jeu, et de dialogues, est un classique américain.
L’influence esthétique devient critère de véracité. Le mimétisme au sein de la fiction, dans l’univers audiovisuel, s’impose comme un impératif de réalisme. Par conséquent, une vraie bagnole de flic, crédible, doit être celle que l’on imagine. Tout cela n’a certes rien de grave, mais en dit long sur une forme de contamination visuelle, qui s’ajoute à l’inspiration au niveau des histoires, et de la manière de les raconter.