«Alice et le maire» donne à réfléchir
Une jeune philosophe est mandatée pour rendre le goût des idées à un maire usé par trente ans de pouvoir. Un film subtilement satirique et admirablement dialectique
En 2015, les Cahiers du Cinéma publiaient un dossier dénonçant l’apathie politique du cinéma français. Nicolas Pariser (Le Grand Jeu) récuse brillamment le réquisitoire du magazine avec Alice et le maire qui analyse l’exercice du pouvoir à travers la jonction d’une intellectuelle et d’un haut fonctionnaire. Alice Heiman (Anaïs Demoustier, vive, attachante et détachée, apte à maîtriser son partenaire volubile) est engagée à la Mairie de Lyon. Le maire, Paul Théraneau (Fabrice Luchini, excellent dans la retenue), lessivé par trois décennies d’activités gouvernementales, se sent vide, «en panne d’idées», comme 90% des personnalités politiques ressassant de mêmes promesses creuses. La jeune conseillère au mandat incertain a pour mission de lui rendre le goût de penser.
Au croisement de Quai d’Orsay (Bertrand Tavernier, 2013), dont il prolonge le regard satirique sur l’usine à gaz qu’est toute institution politique, et de L’Exercice de l’Etat, (Pierre Schoeller, 2011), qui décortique les mécanismes complexes d’une gestion de crise, Alice et le maire s’inscrit au cœur du théâtre d’ombres qu’est le pouvoir. Ce film très verbal, mais jamais verbeux, ne manque pas de répliques amusantes: «Vous me direz ce que cela vaut», dit le maire à Alice à propos de l’«autobiographie» qu’il n’a pas lue. Et la novlangue des communicateurs est finement tournée en dérision.