«Angèle», sur Netflix: journal intime d’une comète
Documentaire
A deux semaines de la sortie de son deuxième album, la pop star belge se raconte dans un documentaire sorti vendredi sur Netflix. Un récit classique, porté par des confidences de la chanteuse consignées au fil des années

Au début d’Angèle, le documentaire, on retrouve sur scène Angèle, la chanteuse. Silhouette baignée de lumière, elle s’avance main sur les hanches, moue conquérante. La même Angèle qui, quelques secondes plus tôt, s’échauffait en backstage, réajustant sa veste en silence sous les hurlements d’un public chauffé à blanc. Les yeux dans le vague, l’air absent. Ou las?
Explorer l’humain derrière la vedette, la fragilité derrière le mythe, l’ombre sous les paillettes, c’est la promesse ultime du documentaire de stars. Dans ces films, qui ont essaimé sur les plateformes ces dernières années, des artistes reviennent sur leur (plus ou moins longue) carrière mais surtout, nous invitent à jeter un œil en coulisses. Après Orelsan le mois dernier, c’est au tour de la Belge et idole pop de se dévoiler sur Netflix, deux semaines avant la sortie de son prochain album, Nonante-Cinq. Le timing est habile. Comme le film, qui joue complètement la carte de l’intime.
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Tornade de l’intérieur
Qui est la vraie Angèle? «Je l’ai perdue.» A travers la voix de son héroïne, le documentaire pose d’emblée cette question, nous promettant des pistes de réponse. Justement: en training, suivie comme son ombre par sa chienne Pépette, la chanteuse fouille dans des cartons (son «brol») pour récupérer de vieux journaux intimes. Des carnets dépareillés, noircis depuis l’adolescence et durant sa folle ascension, dont la lecture d’extraits choisis ponctue le film.
Une matière riche et révélatrice – à la manière des vidéos d’Orelsan tournées par son frère durant deux décennies – qui fait la force du documentaire, signé Brice VDH (qui a notamment réalisé le clip de Tout oublier) et Sébastien Rensonnet. Car si l’avantage de l’époque, c’est que tout est capté, consigné (des vidéos personnelles, familiales ou de tournée dont on nous arrose frénétiquement durant 1h20), c’est aussi son problème. «Je pensais qu’on allait faire un documentaire sur mon début de carrière mais on s’est vite rendu compte que ça allait être inintéressant. Tout avait déjà été raconté, mais du point de vue du public», expliquait la Belge au 20 minutes français.
La tornade décrite de l’intérieur, donc, et dès ses premiers souffles – selon le scénario consacré. Tout commence par cette petite fille de Linkebeek, commune champêtre près de Bruxelles («c’est joli, mais on se fait vite chier»), avide de s’affranchir de ses parents artistes connus de la place bruxelloise. Une jeune musicienne paralysée par la peur de l’échec, au point d’écrire noir sur blanc que «jamais» elle n’en fera son métier. Une étudiante en jazz qui chante sur Instagram, sous couvert de la blague pour décourager les haters. Convaincue par son ancienne baby-sitter de quitter sa chambre pour tourner les bars.
Crises d’angoisse
Si le chemin a des airs d’autoroute galactique, le décollage d’Angèle dépassant en quelques mois celui de son frère Roméo Elvis, le film, comme tout récit épique, insiste sur les épreuves (évidemment surmontées). Les premières parties de Damso où, derrière son piano, elle se fait connaître mais aussi huer. Les insomnies après la sortie de son premier morceau, La loi de Murphy, sentant que le monstre qu’elle a créé lui échappe.
Le lourd tribut de la célébrité: un discours qui sonnerait creux, galvaudé s’il ne sortait pas de la bouche d’une Angèle venue du passé. Celle qui envoyait un e-mail à ses managers, fin 2017, pour s’excuser de ses crises d’angoisse. Qui écrivait: «Je travaille plus que je ne respire, et j’étouffe». Qui s’effondrait en larmes dans un message vocal après la publication par Playboy, sans son accord, d’une photo d’elle dénudée reprise par toute la presse tabloïd belge.
On salue cette même honnêteté lorsqu’Angèle raconte l’emballement médiatique autour de Balance ton quoi. Ce refrain irrésistible qui la consacrera, malgré elle, voix de #MeToo et reine du néo-féminisme comme en témoignent les coupures de presse défilant à l’écran (dont un article du Temps). Avoir provoqué le succès, s’en délecter sans toujours s’y reconnaître, c’est toute l’ambiguïté d’Angèle – personne et personnage. On la lit entre les lignes et, manifestement, dans son futur album, un disque introspectif écrit durant la pandémie. «Moins populaire, moins fédérateur», répète Angèle, comme pour préparer nos oreilles. «Plus sincère.»