Roland et Vanessa sont arrivés au bord de la mer par un beau jour d’été. L’autoradio de leur décapotable diffusait «Jane B.» de Gainsbourg. C’était les belles seventies, au temps où les Rolling Stones traînaient leurs boots sur la Côte d’Azur. Ils se sont arrêtés au café du port pour boire un coup sur le zinc avant de rejoindre leur quatre-étoiles avec vue sur la Méditerranée, toujours plus bleue toujours plus belle.

Sea sex & sun? Hélas! Le couple est en crise, en panne. Ecrivain à succès, Roland sèche devant la page blanche; alors il part s’humecter jusqu’à plus soif au troquet de la plage. Ancienne danseuse étoile, Vanessa reste dans l’ombre des persiennes, perdue en son exil physique et cérébral. Pour tromper leur spleen, les Américains en vacances s’intéressent aux occupants de la chambre d’à côté, Léa (Mélanie Laurent) et François (Melvil Poupaud), deux jeunes mariés en lune de miel qui s’accouplent sans répit. Vanessa découvre un trou dans le mur et, au lieu de profiter de la vue sur la mer, zyeute les ébats des voisins, bientôt rejointe par son éponge d’époux. Les deux entament un jeu de séduction dangereux avec Léa et Françoise…

La moustache d’Hemingway

Brad Pitt avec la moustache d’Hemingway et Angelina Jolie avec des habits tirés d’un numéro vintage de Vogue… Le couple le plus glam de la Terre se retrouve pour la première fois à l’écran après Mr & Mrs Smith il y a dix ans dans cette «histoire d’une relation qui a déraillé», écrite et filmé par Madame, qui signe sa troisième réalisation après In the Land of Blood and Honey et Invincible (Unbroken).

Quelles motivations ont incité la cinéaste à faire Vue sur mer? Thérapie de couple ou plaisir de casser son image? Car on y voit Brad se bourrer le groin, être jeté hors du lit conjugal à coups de pied, Angelina vautrée par terre, l’œil rivé au trou, s’adonner sans vergogne au voyeurisme.

Erotisme du désespoir

«Jane B.», «Black Trombone», «L’Anamour» («Je t’aime et je crains de m’égarer»)… Les chansons de Gainbourg imprègnent la bande-son et Vue sur mer se réclame d’un mood gainsbourien, un érotisme du désespoir renvoyant aux ébats contre-natures de l’adorable garçonne dans Je t’aime moi non plus, au masochisme du loser d’Equateur, à l’exhibitionnisme de Stan the Flasher… Mais l’Homme à la tête de chou puisait son inspiration chez Léautaud, chez Baudelaire, chez Verlaine, tandis qu’Angelina Jolie se réfère plutôt à Alice détective et Dr Ruth. On apprend ainsi sans surprise que c’est un problème de stérilité qui a détourné Roland et Vanessa de la félicité conjugale vers la perversité. Tout s’arrange. Roland se remet à écrire, ils retrouvent le désir ils reprennent la route en écoutant une version instrumentale de «Jane B.».

Sanctionné aux Etats-Unis par un échec public et critique sans appel, Vue sur Mer est un document intéressant sur la vision que l’Amérique a du sud de la France, figé dans le soleil des années érotiques (et filmé à Malte…). Brad Pitt se débrouille plutôt bien en français.

Vue sur mer (By the Sea), de et avec Angelina Jolie, avec Brad Pitt, Mélanie Laurent, Melvil Poupaud, Niels Arestrup, Richard Bohringer. 2h02.