Véronique, «la mère qui se marre tout le temps», estime ne pas avoir eu de fille pendant quatorze ans. Placée en institution, la gamine était un «bloc» qui hurlait lorsqu’on la touchait. Refusant de croire qu’il n’y avait personne derrière ce corps, Véronique l’a ramenée à la maison et a cherché les clés pour ouvrir la carapace. Hélène ne savait pas qu’elle avait des pieds et des mains. Elle n’arrivait pas à opposer le pouce à l’index. Lorsqu’elle a réussi à exécuter ce mouvement de pince, elle a pu accéder au langage.
Un film qui n’est pas à la hauteur de son sujet
L’histoire de Babouillec, cette intelligence supérieure prisonnière d’un corps encombrant, est indiscutablement passionnante, bouleversante. Le film n’est pas à la hauteur de son sujet. Alternant fiction (L’Arbre) et (La Cour de Babel), Juliette Bertuccelli a suivi la jeune femme pendant deux ans, avec la volonté de faire un portrait d’artiste plutôt qu’un film sur l’autisme.
L’amateurisme de la réalisation empêche malheureusement d’adhérer pleinement à Dernières nouvelles du cosmos, qui stagne au niveau du home movie, encombré de trop de gros plans sur l’héroïne, langue ballante, regard égaré, menton luisant. L’amour et la patience de la mère sont indéniables, mais ses rires agaçants. Le tournage a lieu alors que Pierre Meunier travaille à l’adaptation scénique d’un texte de Babouillec, Algorithme éponyme; à travers quelques extraits que le film donne à voir, le spectacle ressemble à une caricature de théâtre expérimental.
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Mathématiques existentielles
Une des séquences les plus fortes est la rencontre entre Hélène et Laurent Derobert, l’inventeur des «mathématiques existentielles» qui interroge notre rapport au monde sous forme algébrique. «Jouant avec chacun des espaces secrets de {son} cornichon de cerveau», la jeune pythie, par ailleurs capable de télépathie, semble détenir une martingale lui permettant d’accéder au cœur des mystères et de capter les dernières nouvelles du cosmos. Pour la réalisatrice, l’autisme n’est pas un handicap, mais une autre manière d’être au monde.
Le film s’ouvre sur une image de Babouillec pataude, engoncée dans une énorme bouée comme si elle se préparait à un naufrage imminent. Il se clôt sur une image de la jeune femme gambadant dans un couloir. Ces deux plans renvoyant à la métamorphose de la chenille en papillon que la cinéaste sont plus grisants que les scènes de la vie quotidiennes.
Dernières nouvelles du cosmos , de Julie Bertuccelli (France, 2016), 1h25.