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Babouillec, poétesse emmurée en elle-même

Portrait d’une écrivaine autiste, ce documentaire est desservi par une mise en scène médiocre

Hélène Nicolas, dite Babouillec, est autiste. Ses poésies, elle les compose en alignant des lettres plastifiées sur une table. — © DR
Hélène Nicolas, dite Babouillec, est autiste. Ses poésies, elle les compose en alignant des lettres plastifiées sur une table. — © DR

«Je suis Babouillec très déclarée sans parole. Seule enfermée dans l’alcôve systémique, nourricière souterraine de la lassitude du silence, j’ai cassé les limites muettes et mon cerveau a décodé votre parole symbolique: l’écriture». L’auteur de ces mots de révolte, Hélène Nicolas, dite Babouillec, 30 ans, est autiste. Elle ne parle pas, elle écrit. Il lui a fallu vingt ans pour accéder au langage. Incapable de tenir un crayon ou de se servir d’un ordinateur, elle compose ses textes en piochant dans une boîte des lettres plastifiées qu’elle aligne sur la table: «Je suis née un jour de neige, d’une mère qui se marre tout le temps. Je me suis dit, ça caille, mais ça a l’air cool la vie. Et j’ai enchaîné les galères».

Véronique, «la mère qui se marre tout le temps», estime ne pas avoir eu de fille pendant quatorze ans. Placée en institution, la gamine était un «bloc» qui hurlait lorsqu’on la touchait. Refusant de croire qu’il n’y avait personne derrière ce corps, Véronique l’a ramenée à la maison et a cherché les clés pour ouvrir la carapace. Hélène ne savait pas qu’elle avait des pieds et des mains. Elle n’arrivait pas à opposer le pouce à l’index. Lorsqu’elle a réussi à exécuter ce mouvement de pince, elle a pu accéder au langage.

Un film qui n’est pas à la hauteur de son sujet

L’histoire de Babouillec, cette intelligence supérieure prisonnière d’un corps encombrant, est indiscutablement passionnante, bouleversante. Le film n’est pas à la hauteur de son sujet. Alternant fiction (L’Arbre) et (La Cour de Babel), Juliette Bertuccelli a suivi la jeune femme pendant deux ans, avec la volonté de faire un portrait d’artiste plutôt qu’un film sur l’autisme.

L’amateurisme de la réalisation empêche malheureusement d’adhérer pleinement à Dernières nouvelles du cosmos, qui stagne au niveau du home movie, encombré de trop de gros plans sur l’héroïne, langue ballante, regard égaré, menton luisant. L’amour et la patience de la mère sont indéniables, mais ses rires agaçants. Le tournage a lieu alors que Pierre Meunier travaille à l’adaptation scénique d’un texte de Babouillec, Algorithme éponyme; à travers quelques extraits que le film donne à voir, le spectacle ressemble à une caricature de théâtre expérimental.

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Mathématiques existentielles

Une des séquences les plus fortes est la rencontre entre Hélène et Laurent Derobert, l’inventeur des «mathématiques existentielles» qui interroge notre rapport au monde sous forme algébrique. «Jouant avec chacun des espaces secrets de {son} cornichon de cerveau», la jeune pythie, par ailleurs capable de télépathie, semble détenir une martingale lui permettant d’accéder au cœur des mystères et de capter les dernières nouvelles du cosmos. Pour la réalisatrice, l’autisme n’est pas un handicap, mais une autre manière d’être au monde.

Le film s’ouvre sur une image de Babouillec pataude, engoncée dans une énorme bouée comme si elle se préparait à un naufrage imminent. Il se clôt sur une image de la jeune femme gambadant dans un couloir. Ces deux plans renvoyant à la métamorphose de la chenille en papillon que la cinéaste sont plus grisants que les scènes de la vie quotidiennes.

Dernières nouvelles du cosmos , de Julie Bertuccelli (France, 2016), 1h25.