«Banacek», série joyau des années 1970
Séries TV
En deux saisons et 16 épisodes, la série «Banacek» a raconté les enquêtes d’un richissime détective. Une «Amicalement vôtre» américaine, à un personnage. Et une pépite d’une époque

Peu connue ici, Banacek (1972-1974) mérite d’être découverte. Cette série représente une savoureuse tranche d’histoire de la fiction TV américaine. On peut la résumer comme un Amicalement vôtre d’Outre-Atlantique, à une voix. C’est le registre, qui fit florès, des histoires de personnages richissimes se livrant à diverses investigations.
Au générique, on croise d’ailleurs Stephanie Powers, qui sera la part féminine de L’Amour du risque, de la même veine, qui sera lancée sept plus tard. Banacek, lui, est campé par George Peppard (1928 – 1994), qui s’illustrera ensuite dans Mission: Impossible.
Pourquoi s’attarder sur cette sortie DVD, laquelle comprend la V.O. sous-titrée, ce qui n’est pas toujours le cas pour les séries de ces lointaines époques? D’abord parce qu’au-delà des outrages du temps, Banacek se regarde avec plaisir, en particulier grâce à l’habileté classique des intrigues. Dans un contexte archi-américain, depuis Boston où réside le héros jusqu’aux multiples endroits où il se rend, les scénaristes réhabilitent le genre policier avec des scénarios basés sur l’escamotage, le vol redoutable, la disparition impossible – même celle d’un joueur de football américain sur le terrain, pendant un match. Les dénouements, parfois farfelus, sont exposés dans la rituelle réunion de l’enquêteur et des protagonistes, comme chez Agatha Christie.
Brunettes en bikini et indéboulonnable machisme
Banacek a toutes les traces de cette époque d’après années 1960, dont les brunettes en bikini et un indéboulonnable machisme ambiant, mais elle ne possède pas l’exubérance des aventures de Lord Brett Sainclair et Danny Wilde. A l’inverse, son inscription dans une pure tradition policière en fait un objet original.
Le charme est accru par Thomas Banacek, pourtant taiseux. «Dandy dégénéré de Boston», ainsi qu’il se décrit lui-même face à un adversaire lourdaud, le héros, fortuné, gagne encore plus d’argent en enquêtant sur des manœuvres de puissants, afin de toucher des commissions d’assurances. Il est fils d’immigrés polonais, et ne se prive pas de le répéter. Les auteurs s’échinent à inventer un ancien dicton de Pologne par épisode («Si vous n’êtes pas sûr de ce qu’il y a dans votre bortsch, il risque d’y avoir des orphelins au fond de la mine»; «Vous pouvez lire toute la bibliothèque, le vieux fromage puera toujours») qui mettent du piquant dans la soupe.
Images d'une Amérique 1970's
Par touches, au détour de certains plans de transition, cette série créée par Anthony Wilson conte un peu cette Amérique de l’orée 1970, avec Boston plaisante et austère, Las Vegas déjà en boom mais dont le strip amorce sa délirante expansion, ou cette frontière avec le Mexique flanquée d’un panneau «Les fruits et légumes amenés au Mexique ne doivent pas être retournés»… A l’image de Starsky & Hutch trois ans plus tard, cette fiction devient, aussi, document d’une petite histoire sociale et urbaine.
Et Banacek illustre aussi un âge d’or américain ces séries. Anthony Wilson était déjà un vétéran, ayant œuvré pour le marquant western familial Bonanza ou Le Fugitif. Les enquêtes du descendant polonais prenaient place dans la case «Mystery Movie» de NBC, une institution dont le générique était composé par Quincy Jones. A la production de la série, des noms historiques, dont George Eckstein (Le Fugitif, entre tant d’autres), et pour le pilote, Steven Bochco, maître du genre dont la palette va de Columbo à Over There ou Commander in Chief. Interrogeant un suspect dans un sauna, Banacek lance: «Ce genre d’endroits me rappelle Les Incorruptibles. – Une bonne série… – Le bon vieux temps, hein?».