Notre carte interactive: les lieux de la fiction.
Dans le restaurant mythique
En quittant l’Edgewick Inn, on passe devant un relais routier – les camions sont omniprésents dans la région – et on arrive à North Bend. Au Twede’s Cafe, on peut s’empiffrer d’un Twin Peaks Burger, double tranche de viande et bacon.
Une façade vante la fameuse tarte aux cerises tant évoquée par l’agent Cooper. Ce restaurant de banquettes et de chromes, fréquenté par des gens du coin et quelques visiteurs de Seattle en goguette, n’est autre que le Double R Diner, le lieu apaisant de la série où s’illustrent notamment l’agent Dale Cooper, la patronne Norma, le major Briggs ou la femme à la bûche.
Si, parmi les 50 hamburgers proposés sur la carte, on a choisi le modèle Twin Peaks, la serveuse propose d’emblée la tarte aux cerises: «Cela fait six ans que je travaille ici, j’ai l’habitude», sourit-elle. Pourtant, elle aussi n’a presque rien vu du feuilleton: «Le pilote, une fois, pendant le festival…» Elle a 22 ans, trois de moins que la série…
De fait, la région exploite peu le potentiel touristique de Twin Peaks. Alors que, dans les années 2000, Copenhague n’a pas tardé à créer ses circuits Forbrydelsen (The Killing), North Bend et Snoqualmie demeurent discrètes.
Au moment de l'édition haute définition: Le poids de «Twin Peaks»
Dans l'hôtel de la chute d'eau
Au luxueux hôtel Salish Lodge & Spa, on se montre tout aussi réservé. Il s’agit pourtant du Great Northern, l’hôtel où loge Cooper, où il manque de mourir d’une balle dans le ventre. Le décor de scènes majeures, perché à côté des chutes de Snoqualmie, image cristallisant Twin Peaks à elle seule.
Ici, le touriste sériephile, pour peu qu’il le dise, reçoit une modeste feuille de papier avec les lieux emblématiques. Rien de plus. Pas même une petite plaque sur l’une des splendides cheminées, qui rappellent le cadre boisé du Great Northern – notons quand même que la réalité actuelle est bien plus élégante que les murs surchargés du feuilleton.
Le passé ferroviaire, plus glorieux
Cette réserve au pays de Twin Peaks ne semble pas due à une gêne ou une honte. Plutôt une modestie, peut-être une indolence locale. Ici, comme avec ces maquettes surplombant les tables du Twede’s, on vante avec plus d’énergie le passé ferroviaire de la région, pionnière du nord-ouest des Etats-Unis. Même si le train est réduit à quelques convois de marchandises et une attraction d’été. Le train, c’est le bois, donc la forêt: les trésors locaux, avec les chutes de Snoqualmie, deuxième site touristique de l’Etat de Washington après le mont Rainier.
A parcourir ces espaces, à croiser une immense bûche de bois exposée à Snoqualmie comme une pièce de musée, on comprend combien David Lynch et Mark Frost ont puisé dans une imagerie – et un parfum, boisé – ambiants.
Né et ayant grandi en partie dans l’Etat voisin du Montana – il y a des allusions à son lieu d’origine dans le feuilleton –, David Lynch a utilisé ce pays de rues proprettes, de camions alourdis par les troncs d’arbres et de rivières mystérieuses, comme une matière à réminiscences. La région rend cette mise en valeur à sa manière. Sans vacarme, plutôt dans un bruissement, comme celui des arbres, la nuit.