Blanchiment de conte de fées dans «Blanche comme neige»
Cinéma
Anne Fontaine réinvente «Blanche-Neige» en conte contemporain polisson. Un exercice d’une vanité sidérante

Parce qu’elle a disposé sur un compotier des pommes vertes et non rouges dans le spa lyonnais où elle travaille, Claire (Lou de Laâge, jolie et insignifiante) se fait admonester par sa belle-mère (Isabelle Huppert), cette femme jalouse qui passe son temps devant le miroir. Pommes, miroir… Pigé? D’autres indices vont venir…
Claire est enlevée. Jetée dans le coffre d’une voiture, elle parvient à s’échapper, court dans la forêt où un chasseur vient à sa rescousse. Le chasseur a un frère jumeau; ils hébergent un violoncelliste; un vétérinaire vient ausculter le chien; interviennent encore un libraire et son fils, et un curé québécois réjoui. Ils tombent tous sous le charme de la jouvencelle, et ils sont sept. Oui! comme les nains de Blanche-Neige… Bien vu!
Oie blanche
L’inspiration d’Anne Fontaine a toujours été en dents de scie, de sombres drames (Comment j’ai tué mon père, Entre ses mains) alternant avec des pochades plus ou moins ineptes (Augustin, roi du kung-fu, La fille de Monaco). Le moteur à deux temps a désormais des ratés: la réalisatrice aligne les films décevants (Les innocentes, Marvin ou la belle éducation). Avec Blanche comme neige, elle touche véritablement le fond: elle n’avait encore jamais rien tourné de plus bêta que cet aggiornamento vaguement polisson du conte de Grimm… Un scénario atteint de nanisme, une mise en scène inintéressante, des comédiens empruntés: le film fait pitié.
Anne Fontaine se sent-elle pleine d’audace en affirmant que les nains ne sont pas asexués (un détail révélé par Gotlib en 1972)? Que Blanche-Neige n’a rien d’une oie blanche? Passent à la casserole les jumeaux (en solo ou en duo), le véto et le fils du libraire (le père maso se contentant de quelques coups de cravache). Le fond de la balourdise est atteint avec les trois écureuils qui rigolent à la fenêtre de la voiture dans laquelle Claire s’envoie en l’air.
La belle-mère remonte la piste de la fugueuse nantie d’une fiole de poison. A l’aide d’une seringue, elle inocule le cyanure à une pomme forcément rouge. Claire va-t-elle échapper à la mort? Le conte originel enseignant qu’elle ressuscite, la réalisatrice n’a aucune raison de déroger à la tradition.
Blanche comme neige, d’Anne Fontaine (France, 2019), avec Lou de Laâge, Isabelle Huppert, Charles Berling, Benoît Poelvoorde, Vincent Macaigne, 1h52.