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«Bodyguard», le suspense qui captive puis qui chute

Netflix relaie ce feuilleton qui a triomphé sur la BBC. Il maximise les atouts et les défauts des mini-séries de thriller: exposition fabuleuse, conclusion fastidieuse

David, incarné par Richard Madden. — © Sophie Mutevelian/World Productions/Netflix
David, incarné par Richard Madden. — © Sophie Mutevelian/World Productions/Netflix

La première scène de Bodyguard est magistrale, 22 minutes de tension rare. David, un policier, ancien combattant en Afghanistan, est dans le train avec ses enfants, qu’il amène à leur mère. Entre la gare et l’intérieur du wagon, il enregistre des mouvements suspects. Interpellant la cheffe de train, il apprend qu’une alerte terroriste a été émise à l’égard de ce convoi. Il se retrouve face à une jeune femme ceinturée d’explosifs…

Le suspense est remarquable, et Jed Mercurio, qui a travaillé pour Line of Duty, pose sa fiction par un coup de poing. Commanditée par la BBC, produite par une société qui entre-temps a été rachetée par le concurrent ITV, Bodyguard, mini-série de six épisodes, a une histoire industrielle complexe. Elle a triomphé en Grande-Bretagne, et vient d’être achetée par Netflix, qui la relaie pour le reste du monde. Le réseau ne donne pas ses chiffres mais la signale parmi ses succès du moment.

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Une relation trouble avec la ministre

Après l’attentat manqué du train, David est affecté à la protection personnelle de la ministre de l’Intérieur, Julia Montague. Celle-ci est haïe par des amis de David, anciens combattants qui la voient à la fois comme la responsable qui les a envoyés au massacre et celle qui viole les valeurs pour lesquelles ils ont combattu, à commencer par les libertés personnelles. La ministre défend en effet une loi de sécurité nationale jugée liberticide.

Pendant les trois premiers épisodes le spectateur est soufflé par l’implacable mécanique de Bodyguard, d’autant plus qu’il est sans cesse déstabilisé par l’intrigue, ne sachant jamais à quel personnage se fier. Le danger vient-il vraiment des terroristes, de Julia, voire de David? Pour ne pas spoiler, on ne peut guère résumer la suite. Disons que dans un premier temps, le soupçon porte sur David, qui semble avoir une méchante idée derrière la tête.

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Le dernier épisode verse dans le ridicule

Ensuite, la mini-série bascule dans sa phase de résolutions des intrigues… et verse dans une alignée de clichés qui confine au ridicule dans l’ultime épisode. L’auteur fait montre d’une spectaculaire sinuosité avec ses personnages, en premier lieu la jeune femme des débuts, au point de perdre toute crédibilité. David, lui, évolue d’une manière si forcée qu’on en sourit, au mieux.

Un condensé d’atouts et de défauts

De fait, Bodyguard maximise les atouts et les défauts des mini-séries à suspense. Dans son exposition des risques ambiants, durant ses trois premiers chapitres, la série tétanise son public; ensuite, elle l’ennuie. Les querelles entre services deviennent lassantes, le jeu d’attraction-répulsion entretenu autour du personnage de David aussi.

Ne boudons pas totalement notre plaisir. Bodyguard reste une puissante mini-série. A travers ses couches sécuritaires et politiques, elle s’inscrit dans une riche tradition britannique, songeons à l’inoubliable State of Play. Pour qu’elle conserve son impact massif des débuts, il eût sans doute fallu qu’elle se termine plus rapidement.

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