■ Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958). «Un film américain, car ce cinéma fait partie de mon imaginaire. Je ne suis pas né­ces­sairement un hitchcockien pur et dur, mais «ertigo» me parle toujours beaucoup. Le cinéaste a travaillé sur des formes visuelles qui constituent aussi des pistes narratives. Il travaille selon un point de vue précis et unique, celui du personnage central, que nous adoptons avec un petit décalage. Le rapport entre le décor et les personnages dit énormément de choses, toujours différentes.»

Voyage en Italie de Roberto Rossellini (1954). «Un des plus grands films de l’histoire du cinéma, et plus encore. Je me considère aldôtain, donc pas tout à fait Italien, mais ces gens du nord qui descendent vers le sud de l’Italie ont quelque chose à voir avec moi. Rossellini revisite le mélodrame à l’italienne, avec cette idée que la destinée n’est pas écrite. Cette notion presque religieuse est aussi représentative de l’esprit méditerranéen. Il en va ainsi du cinéma, qui capte des moments inattendus dans un scénario rigoureusement construit. L’épiphanie est une figure très cinématographique.»

La Maman et la Putain de Jean Eustache (1973), avec Jean-Pierre Léaud et Bernadette Lafont. «Une véritable découverte. Un dispositif très léger, un nombre limité de personnages, des décors ultra-simples. A travers les mots et la façon dont ils sont incarnés par les personnages monte un sentiment qui nous arrache de la réalité. Et nous amène à nous poser des questions plus générales: quelles sont les relations entre les hommes et les femmes? Qu’est-ce qu’une femme pour un homme?»

Le Tombeau des lucioles d’Isao Takahata (1988). «Dessiné dans un style qui évoque le graphisme très doux de Miyazaki, ce film d’animation est un des récits les plus cruels, les plus terribles que j’aie jamais vus. Takahata ne dessine pas, il écrit, et c’est l’écriture qui importe dans le cinéma. De film en film, il choisit différentes formes graphiques pour exprimer la réalité. Cette histoire inscrite dans l’Histoire nous touche tous, car nous sommes les enfants et les petits-enfants de ces deux gosses perdus à la fin de la guerre. Le cinéma du XXe siècle se ressent des blessures du siècle – «Nuit et Brouillard» ou «Le Tombeau des lucioles.»

Amsterdam Global Village de Johan van der Keuken (1996). «Ce documentaire important marque le début d’une nouvelle façon de faire du cinéma. Il est comme une carte qui se déplie. Il relève déjà du multimédia en racontant Amsterdam à travers plusieurs récits reliant l’histoire des colonies et le présent multiculturel. La ville n’est pas topographique, mais humaine. Rhizomatique, pour reprendre la théorie philosophique de Deleuze. Ce film m’a frappé alors que je commençais à comprendre le cinéma du réel. Et j’ai été très touché de travailler avec Johan, un cinéaste extrêmement généreux.»