Le Conseil des Etats tient à la «taxe Netflix»
audiovisuel
Les sénateurs approuvent une obligation d'investir dans le cinéma suisse pour les diffuseurs en ligne de 4% de leur chiffre d'affaires, contre 1% avancé par le National. Le climat de taxation des géants américains favorise l'idée

Pourtant plus à droite que le National, le Conseil des Etats veut taxer. Les services de streaming, dans ce cas. Ce lundi, la Chambre haute a tenu bon face aux réductions proposées par celle du peuple concernant la très raccourcie «taxe Netflix», c’est-à-dire l’obligation pour des diffuseurs, y compris sur la Toile, d’investir dans la création cinématographique indépendante helvétique. Il est question de consacrer 4% du chiffre d’affaires réalisé en Suisse à un soutien en faveur de cette branche; le National propose 1%.
L’idée figure dans le programme du Conseil fédéral pour la culture dans les quatre prochaines années, au chapitre du cinéma. Le gouvernement juge que les services en ligne, entre autres, devraient être assujettis à une contrainte comparable à celle à laquelle sacrifient déjà la SSR et les chaînes de TV régionales. Il n’invente rien; une telle disposition est exigée, ou va l’être, par plusieurs pays européens. L’Espagne, par exemple, prépare une imposition de 5% du chiffre d’affaires local.
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Le mécanisme: investir ou se faire taxer
Le mécanisme repose sur une obligation d’investir dans le pays. Si le diffuseur ne s’en acquitte pas, il doit payer une taxe dite «de remplacement». Pour prendre le cas de Netflix, la menace légale devient théorique dans certains pays, les grands, où le géant du marché augmente de toute manière ses projets locaux en films et séries. Amazon fait de même dès cette année en Allemagne comme en France, Disney va suivre.
Redoutant un report sur les factures des abonnements, le Conseil national s’est laissé convaincre par un fort abaissement de la barre: 1%. «Il sera difficile de faire quelque chose avec un outil autant amputé», a plaidé Alain Berset, aussi conseiller fédéral à la Culture. L’UDC a plaidé pour un quasi-compromis à 2%, ce qui «ouvre déjà de très bonnes perspectives au cinéma suisse», selon Jacob Stark (UDC/TG), cité par l’agence ATS.
Manifestement, le PLR a fait pencher la balance. Le Zurichois Ruedi Noser a fait mouche en arguant que garder le minimum de 4% permet de «voir apparaître de nouveaux joueurs». D’autant que les conditions de valorisation des efforts, pour éviter la taxe, paraissent assez généreuses. Ainsi, un soutien à des institutions agréées par l’Office fédéral de la culture – on pense à des festivals – pourra être pris en compte.
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Un contexte de taxations tous azimuts
Le National devra reprendre le débat. Celui-ci s’inscrit dans un contexte économique très favorable aux nouveaux diffuseurs, avec Netflix qui croît toujours même si elle souffre de la concurrence, Disney + qui dépasse toutes les attentes en acquisition d’abonnés, Amazon plaçant ses billes, et Apple offrant son service à qui achète un iPhone (ce qui fait du monde, en Suisse).
Alors que, tirés par une administration Biden en quête de nouvelles recettes, les pays européens semblent prêts, soudain, à s’imposer un taux d’imposition minimal des bénéfices des multinationales, l’idée d’une ponction des géants du divertissement se banalise.