série judiciaire
Montrée récemment par la RTS, la cinquième et ultime saison de «Damages» est parue en DVD. Dernière plaidoirie pour cette grande fiction judiciaire, qui, outre l’affrontement de ses deux protagonistes, aura raconté une tranche d’histoire américaine immédiate

Il y aura eu duel jusqu’au bout, avant qu’un épilogue montre ce qu’il adviendra de ces deux femmes. Sortie récemment en DVD et diffusée par la RTS, la cinquième et dernière saison de la série «Damages» a conclu, brillamment, une fiction qui n’a pas eu, sous ces latitudes, la notoriété qu’elle aurait méritée. Au moins, l’édition en disques permet de (re)découvrir cette grande série judiciaire, l’un des plus forts duels de femmes de la TV moderne.
En 59 épisodes, de 2007 à 2012, avec une affaire dominante par saison, «Damages» a narré les manœuvres de deux avocates. L’ainée, Patty Hewes (Glenn Close), requin du barreau new-yorkais; et la jeune ambitieuse, Ellen Parsons (Rose Byrne), qui démarre dans ce milieu grâce à la première. Avant de s’y opposer, dès le premier chapitre. Leurs relations seront faites d’alliances parfois objectives, mais surtout, d’une haine constante, jusqu’au point où Patty aurait envisagé de faire assassiner sa soi-disant protégée – ce qu’elle nie.
Actrices au sommet
On l’a dit, et beaucoup l’ont souligné, «Damages» a offert un superbe rebond de carrière à Glenn Close, qui était déjà apparue dans «The Shield». La fiction TV montre ainsi sa capacité à façonner des personnages forts, y compris féminins, en dehors des canons étriqués du cinéma. En face, Rose Byrne, vue sur grand écran notamment dans des films d’épouvante de qualité («28 Semaines plus tard», «Insidious»), s’est affirmée au fil des années. D’une saison à l’autre, les fidèles peuvent ainsi suivre la consolidation à la fois du personnage, toujours plus retors même si Patty conserve son talent de manipulatrice, et de l’actrice. Au reste, «Damages» a fait défiler une belle galerie de comédiens au long de ses saisons, dont Ted Danton, William Hurt, Timothy Olyphant ou John Goodman.
Au contraire de nombreuses fictions judiciaires américaines, qui utilisent le théâtre de la cour comme scène principale, la série créée, et écrite en grande partie, par Glenn et Todd A. Kessler ainsi que Daniel Zelman, s’intéresse aux tractations qui précèdent la venue au tribunal. Les affaires que traitent Patty et Ellen se jouent sur leurs propres recherches, les travaux de leurs équipes, leurs efforts communs parfois, et leurs tactiques pour déjouer les pièges de la partie adverse. Dans la cinquième saison, où il est question d’un site internet de divulgation d’informations sensibles rappelant WikiLeaks, les deux avocates se trouvent enfin en confrontation directe. L’une défend l’animateur du site accusé d’avoir divulgué des courriers confidentiels ayant conduit au suicide, pense-t-on, d’une employée de banque; l’autre se bat aux côtés de la fille de la défunte. Le tribunal ne constitue que l’horizon de leur bataille, pas son champ principal. Tout se joue auparavant, d’autant que des événements dramatiques des précédentes années refont surface.
Une narration machiavélique
Cet enchevêtrement de manœuvres est accru par les choix des auteurs, au fil des saisons, d’exploiter fortement l’insert de séquences ultérieures au temps de l’action («flashforward»), qui suggèrent le drame final et augmentent le suspense de leur feuilleton. Les quatrième et cinquième saisons, en particulier, ont reposé sur ce procédé, déjà utilisé dans la première partie. Au cours de l’ultime saison, le spectateur peut même imaginer la mort de l’une des deux héroïnes.
«Damages» a poussé loin le déroulement de ces saisons reposant sur des situations anticipées, dont la réalité est avérée, ou non, selon des informations distillées au compte-goutte. Un procédé gadget, peut-être. Mais dans ce cas, les scénaristes l’ont maîtrisé avec un machiavélisme digne de leurs créatures.
Madoff et WikiLeaks
Enfin, au-delà du suspense juridique porté par les deux femmes, «Damages» a raconté à sa manière une petite tranche d’histoire américaine immédiate. Après tout, la série commençait jute avant l’éclatement de la crise des «subprime», et sa première saison portait déjà sur les manœuvres financières. La deuxième interrogeait les relations des milieux d’affaires avec les agences du gouvernement; la troisième s’inspirait directement de l’affaire Madoff.
Le quatrième chapitre portait sur le recours à des sociétés spécialisées, ou armées privées sur le terrain de guerre en Afghanistan... Et pour leur cinquième et dernier volet, les auteurs ont puisé dans l’affaire WikiLeaks. Joli parcours, pour une série d’abord axée sur son duel féminin. De quoi garder longtemps en tête, et sans doute revoir avec bonheur, les chroniques des déchirements entre Patty et Ellen.