Les nouveaux éclats du nord

La création TV nordique s’est révélée au monde avec l'haletante The Killing, puis Borgen. Après un temps d’arrêt, les fictions scandinaves explosent, et de nouveaux pays se mettent sur la carte. En six parties, notre exploration des nouvelles perles du nord.

Des pays nordiques, le Danemark est celui qui a la tradition la plus riche en matière de séries TV – bien que la Suède ne soit pas en reste. Comme pour d’autres petits pays, le démarrage a été lent, les essais nombreux, des tentatives peu heureuses. A entendre certains créateurs de séries à Copenhague, il est un jalon qui a marqué le paysage. Ce n’est pas un polar, mais une chronique sociale. De 1978 à 1981, le pays s’est passionné pour Matador, feuilleton de 24 épisodes seulement, mais qui a bouleversé la population et l’artisanat télévisuel.

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L’ambition était considérable: conter le Danemark à travers quelques destins depuis les années 1930, jusqu'à la période de l’occupation allemande et un peu après. L’œuvre souffre de son manque de moyens mais elle garde une patine unique, et une complète originalité. Un nouveau tournant, majeur, est venu au début des années 2000, lorsque la TV publique DR a changé sa manière de produire les séries, en misant bien davantage sur elles. On connaît le triomphe qui a suivi: Forbrydelsen (The Killing), puis Borgen.

Une brève accalmie

Depuis, le front danois s’est calmé un temps. Søren Sveistrup, le créateur de The Killing, a réalisé un vieux rêve, un film sorti en avril avec Sofie Gråbøl et Lars Mikkelsen sur les placements d’enfants forcés. Il devrait revenir aux séries.

Adam Price, l’auteur de Borgen, exploite toujours son restaurant au centre de Copenhague, et il a collaboré au trépidant feuilleton norvégien The Heavy Water War, sur les expéditions visant une usine d’eau lourde que lorgnent les nazis pendant la guerre, sorti récemment en DVD. Il prépare une série pour l’année prochaine. Ces dernières années, les créateurs danois ont charmé quelques amateurs avec Rita, acquise par Netflix, histoire d’une prof non-conformiste, piteusement adaptée cette année par TF1 sous le titre Sam.

«Norskov», amère chronique urbaine

La bande-annonce, en VO.

Du Danemark, au moins deux fortes nouveautés vont arriver, dont la première émane d'une chaîne privée, ce qui est nouveau pour une fiction dramatique. A la rentrée, Arte montrera Norskov, de Dunja Gry Jensen, qui mêle avec brio polar et chronique d’une cité. Au moment où le maire veut bâtir un lycée technologique de pointe, un policier revient dans cette ville où il a grandi. Il doit bloquer le trafic de drogue qui prend de l’ampleur, la pression s’accroissant après qu’une ado a fait une overdose. Il retrouve une ancienne amie, elle-même consommatrice, qui assure avoir arrêté.

Tensions urbaines, manœuvres policières, destins déchiquetés, Norskov joue de registres a priori contradictoires, bâtissant une histoire et un ton originaux.

«Bedrag» ou la tension économique

Bedrag (Follow the Money) n’a pas encore de diffuseur en terres francophones, mais cela ne devrait pas tarder. La série a fait événement au Danemark, pour la manière dont elle empoigne un sujet à dimension économique – en plus, en prenant comme contexte une des fiertés nationales, l’énergie verte. Un jeune travailleur est retrouvé mort au pied d’une hélice d’un immense champ d’éoliennes. L’enquête confirme des failles dans la sécurité des ouvriers, presque tous ukrainiens. Elle met aussi à jour une douteuse filière de recherche en Pologne. Surtout, l’étau se resserre peu à peu sur la société propriétaire du parc d’éoliennes, un fleuron national qui va entrer en bourse. Pressions économiques et policières.

Le spectateur suit l’enquête et ceux qui la mènent autant que les figures de la compagnie énergétique, à commencer par la nouvelle cheffe des affaires juridiques, bientôt en proie au doute. Bedrag (la tromperie) ne surenchérit pas dans le rythme trépidant: elle pose ses pions sur son échiquier du business vert, et douteux. Elle ouvre un front encore rare, et représente un nouveau cadeau danois.

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