Cinéma
Comédie du remariage post-féministe, «Maggie a un plan» de Rebecca Miller invite à sourire des illusions d’un trio d’intellectuels new-yorkais

Révélée par Joe Swanberg et sa mouvance «mumblecore» il y a une dizaine d’années puis devenue une sorte d’égérie para-hollywoodienne depuis sa rencontre avec Noah Baumbach («Greenberg», «Frances HA»), Greta Gerwig est une comédienne à part. Même si son parcours est resté trop peu visible en Suisse, on le constate une nouvelle fois dans ce film de Rebecca Miller (fille du dramaturge Arthur et épouse de Daniel Day-Lewis). Avec ses airs de grande fille inadaptée, un peu trop généreuse, naïve et gauche, cette jolie blonde confère une fraîcheur précieuse à cette historiette new-yorkaise qui, sans elle, aurait pu porter sur les nerfs.
Lorsqu’on rencontre Maggie, conseillère en études trentenaire et toujours célibataire, elle a un plan: faire un bébé toute seule. Elle a déjà choisi le donneur de sperme, Guy, un ex-matheux devenu… producteur de cornichons (Travis Fimmel). Sauf qu’au même moment, elle rencontre John (Ethan Hawke), professeur d’anthropologie marié qui lui soumet un début de roman. Ils tombent amoureux et John quitte sa femme Georgette (Julianne Moore), une Danoise qui ne vit que pour sa carrière d’universitaire. Trois ans plus tard, Maggie est certes devenue l’heureuse mère d’une adorable petite fille, mais son mariage à cet intellectuel qui la néglige bat de l’aile. Constatant l’attachement persistant entre John et Georgette (qui ont deux enfants), elle conçoit alors un nouveau plan: les réunir…
Zizek superstar
Pour ce cinquième long-métrage, le premier sur un sujet qui ne vienne pas d’elle, Rebecca Miller a opté pour un ton plus léger que dans ses précédents, les drames féministes «Personal Velocity», «The Ballad of Jack and Rose» et «Les Vies privées de Pippa Lee». Bingo, c’est devenu le premier à séduire un de nos distributeurs. Malgré un mépris jusqu’ici assumé pour les structures classiques, elle flirte aussi ici avec celle de la «comédie du remariage» hollywoodienne, mais en adoptant pour une fois le point de vue de la dite «briseuse de couple». Encore bien vu, la fantaisie de Gerwig convenant idéalement à l’entreprise.
Même si Miller ne sera sans doute jamais une grande cinéaste, se contentant trop souvent d’approximations formelles, on apprécie ici l’imprévisibilité de ses personnages et sa capacité à montrer les ridicules de chacun sans renoncer à une bienveillance générale. De même, tout en moquant leur révérence sans doute excessive envers le philosophe star Slavoj Zizek, elle retient le thème cher à ce dernier d’une vérité qui se révèle à travers une suite d’erreurs d’appréciation. Et tant que comédie existentialiste, «Maggie’s Plan» n’a peut-être pas la saveur et le tranchant de celles de Noah Baumbach. Mais on aurait tort de la bouder, ne serait-ce qu’au vu de la rareté croissante du cinéma indépendant américain sur nos écrans.
Maggie a un plan (Maggie’s Plan ), de Rebecca Miller (Etats-Unis, 2016), avec Greta Gerwig, Ethan Hawke, Julianne Moore, Bill Hader, Maya Rudolph, Travis Fimmel, Wallace Shawn, Mina Sundwall. 1h38