Le scrutin helvétique du 4 mars prochain est unique. De mémoire d’experts, jamais une population n’a été consultée en votation populaire à propos de l’existence même du service public audiovisuel, par le biais de la redevance.

Notre dossier: La controverse «No Billag»

Le courant porté par les partisans de «No Billag» illustre une crispation croissante à propos du financement obligatoire de l’audiovisuel. En Europe, les systèmes de service public sont remaniés, voire remis en cause, dans plusieurs pays. Souvent décrits comme des ensembles qui ont trop grandi, des géants incontrôlables, les diffuseurs publics sont placés au régime. Dans un climat général mélangeant montée en puissance des fausses nouvelles et hostilité à l’égard des médias traditionnels, les radios et TV publiques sont sur la sellette. Tour d’horizon du paysage européen, et au-delà.


Aux Etats-Unis, la menace républicaine

Dans l’Amérique de Trump qui bouscule les journalistes, la télévision demeure encore la principale source d’information (50%) des citoyens américains, souligne le Pew Research Center. Or, à l’ère du câble et d’Internet, les grands journaux télévisés comme ceux d'ABC, CBS et NBC deviennent de plus en plus «sensationnalistes et superficiels», déplore Rodney Benson, professeur de sociologie et de sciences des médias à la New York University. Le bon journalisme d’investigation a tendance à se raréfier.

«Dans la plupart des démocraties, il serait logique que l’Etat intervienne pour pallier l’effondrement économique de ce système hypercommercial, marqué par la sous-production d’informations de qualité et la surproduction de nouvelles sensationnalistes et trompeuses», relève le professeur. «Mais aux Etats-Unis, une action publique soulèverait l’opposition farouche d’une coalition de conservateurs anti-Etat et de journalistes professionnels motivés par une lecture rigoriste du premier amendement, qui interdit selon eux toute action de l’exécutif dans la presse.» Il l’écrivait déjà en septembre dans un long article paru dansLe Monde diplomatique consacré aux «Métamorphoses du paysage médiatique américain».

350 stations de télévision et plus de 1000 radios

Cette très grande méfiance envers l’interventionnisme de l’Etat fédéral explique pourquoi le secteur des médias subventionnés est minimal aux Etats-Unis. «Tant que les républicains contrôlent la Maison-Blanche et le Congrès, cela ne changera pas», commente le spécialiste. Née en 1967, en réaction au développement de la télévision commerciale, la Corporation for Public Broadcasting (CPB) ne constitue qu’une part minoritaire du budget des médias publics. Elle est à l’origine de la création, en 1970, de PBS (Public Broadcasting Service), le réseau de télévision public américain, et de NPR (National Public radio), principal réseau de radiodiffusion public.

Une action publique soulèverait l’opposition farouche d’une coalition de conservateurs anti-Etat

Rodney Benson, professeur de sociologie et de sciences des médias

PBS comprend plus de 350 stations de télévision qui s’acquittent de frais de souscription pour bénéficier de services de programmation et de soutien aux opérations de diffusion. NPR regroupe aujourd’hui plus de 1000 radios, auxquelles elle vend des programmes. Comme ses concurrents American Public Media et Public Radio International, elle produit surtout de l’actualité et des émissions culturelles. Elle a près de 30 millions d’auditeurs par semaine et son site compte 7 millions de visiteurs hebdomadaires uniques. Mais seuls 2% du financement de NPR proviennent de subventions fédérales et étatiques. Le reste est assuré par les cotisations des membres et des dons privés. La volonté de fermer le robinet étatique s’est particulièrement fait ressentir avec la crise de 1983. Sans l’aide de mécènes, NPR aurait probablement été enterrée.

Un dollar par habitant

Rodney Benson rappelle qu’aux Etats-Unis le financement étatique des médias publics «correspond à environ 1 dollar par habitant, contre 50 à 200 dans la plupart des pays européens». La très forte dépendance de ces médias dits «éducatifs» aux dons privés et soutiens locaux – une particularité américaine – les fragilise. Le professeur évoque des «pressions pour tenter d’orienter la programmation vers les intérêts des entreprises ou des élites». Une augmentation de l’aide gouvernementale contribuerait à améliorer la qualité de ces médias, assure-t-il: «Mes recherches comparatives sur 12 démocraties de premier plan révèlent que les systèmes de radiodiffusion publique les plus indépendants et de meilleure qualité sont ceux qui dépendent exclusivement de la redevance et sont le plus généreusement financés.»

Ce n’est pas vraiment la direction prise aux Etats-Unis. Car ce soutien, aussi faible soit-il, est menacé. Donald Trump a proposé dans son budget 2018, pas encore avalisé par le Congrès, de supprimer tout financement public de CPB. George W. Bush avait eu les mêmes velléités, mais il n’y est jamais parvenu. Valérie de Graffenried


En Grande-Bretagne, une BBC admirée et grignotée

Au début de cette année, six présentateurs vedettes de la BBC ont créé l’événement en réduisant leurs salaires, en plein débat sur les fortes inégalités hommes-femmes en la matière dans le groupe britannique. Il faut dire que leurs rémunérations sont coquettes, de 260 000 à plus de 970 000 francs. La polémique sur l’injustice salariale faite aux femmes n’est qu’un nouveau soubresaut qui agite «tante BBC».

Modèle dans le monde entier pour sa rigueur et la qualité de ses programmes, le média public anglais collectionne les crises et les coupes. Il a subi des restructurations en 2010 puis 2015, pour un total de 1,7 milliard de francs. En 2016-2017, son budget, en déficit, s’élevait à 6,3 milliards de francs. Ces dernières années, le groupe a supprimé 1000 postes sur un total de 16 000. La redevance a été réduite. Mais depuis une réforme de septembre 2016, elle a été rendue universelle, indépendamment du mode de consommation des émissions, comme elle le deviendra en Suisse l’année prochaine en cas d’échec de «No Billag». Elle coûte 189 francs par an.

Malgré les tourmentes, la BBC doit une partie de sa solidité au fait qu’elle vend de nombreux programmes. La redevance lui apporte 70% de ses recettes, comme la SSR, mais au lieu de la publicité, elle tire de confortables revenus de ses documentaires, films et séries. Elle a aussi investi rapidement, et de manière convaincante, les canaux numériques. Nicolas Dufour


En France, le mal audiovisuel est politique

Le constat fait presque l’unanimité: avec, au total, une dizaine de chaînes TV et radios, plus le réseau des antennes locales, plus Arte, plus le pôle «France Médias Monde» (composé de RFI et de France 24), l’audiovisuel public français est obèse. Pas étonnant dès lors qu’Emmanuel Macron le qualifie de survivance du monde «ancien», c’est-à-dire de l’époque où Internet n’avait pas révolutionné les attentes du public.

«Dire «rien ne va plus» est la partie la plus facile, commente un ancien haut responsable de France Télévisions. Mais il faut, en France, ajouter deux remarques: 1. cette obésité est la conséquence de décisions politiques successives; 2. tout remettre sous un même toit administratif ne réglera pas l’équation programmes-contenus.»

La volonté du quadragénaire président français de dégraisser le «mammouth audiovisuel» public a trouvé son point d’orgue début décembre 2017. Celui-ci aurait alors parlé, devant les députés de la majorité, de «honte de la République», fustigeant «sa mauvaise gestion, son gaspillage, la médiocrité de ses programmes et les relations malsaines avec ses partenaires».

Des formules réfutées depuis par l’Elysée, où l’on ne se cache plus en revanche de vouloir profondément restructurer un secteur qui dépense chaque année 4,5 milliards d’euros. «Je suis à la manœuvre», répète, depuis le début 2018, l’éditrice et ministre de la Culture Françoise Nyssen qui, selon Le Monde, a ramené de sa visite à Londres le 9 janvier la conviction qu’une holding unique est la solution pour une cure d’amaigrissement. Sur le modèle de la BBC britannique…

Le problème? «Il tient à une évidence simple: la France, avec sa tradition jacobine, verticale, et présidentielle, n’est pas le Royaume-Uni», sourit le journaliste Philippe Kieffer, auteur de La Télé, dix ans d’histoires secrètes (Flammarion). «L’interférence politique en matière audiovisuelle est presque indissociable de la République. La preuve? Regardez Arte: en France, c’est une chaîne dédiée. En Allemagne, ce sont des programmes intégrés à l’une des chaînes publiques. Quant au Conseil supérieur de l’audiovisuel…» De fait, cette institution créée en 1989 pour surveiller le secteur public a vu ses prérogatives changer selon les chefs de l’Etat. Et deux de ses dernières nominations nourrissent la polémique: celle de l’ex-PDG de Radio France Mathieu Gallet (révoqué le 31 janvier après sa condamnation par la justice pour «favoritisme») et celle de l’actuelle patronne de France Télévisions Delphine Ernotte (une enquête est en cours sur les conditions de son choix en avril 2015).

Faire mieux avec moins

Comment, dès lors, justifier une nouvelle donne? La première réponse apportée par l’équipe Macron est budgétaire. Financé par la contribution annuelle à l’audiovisuel public – 139 euros payés par environ 20 millions de contribuables assujettis à la taxe d’habitation dont le logement est «équipé d’un téléviseur ou un dispositif assimilé» – le secteur doit, selon l’actuel gouvernement, d’abord apprendre à faire mieux avec moins, car de plus en plus de Français écrivent au fisc pour dire qu’ils ne regardent plus la TV et refusent cet impôt.

Seconde réponse: les grilles de programmes à remplir ne sont plus pertinentes à l’heure du «streaming». Pascal Josèphe, finaliste battu par Delphine Ernotte pour France TV, l’admet: «On ne peut plus raisonner en termes d’offre télévisuelle traditionnelle. Il faut rebâtir le secteur public à partir de sa mission «citoyenne» et éducative. La question des statuts doit se poser après.»

Un autre très fin connaisseur du sujet est le député européen centriste Jean-Marie Cavada, ex-PDG de Radio France. Son credo: «Si les chaînes publiques ne sont plus reconnaissables par rapport à leurs concurrentes privées, il y a un problème, c’est évident. Que les téléspectateurs disposent d’un droit d’inventaire ne me choque pas du tout», expliquait-il récemment sur France Info. Comme en Suisse, la controverse porte d’ailleurs avant tout sur la télévision publique: «Faisons un exercice simple que les Romands peuvent faire aussi, car ils regardent les chaînes françaises: combien de programmes TV de France 2 ou France 3 méritent aujourd’hui le label «service public»? Partons de là…» affirme un reporter de France 2.

Sauf qu’en France, tout est plus compliqué. Reconduite en octobre 2017 par le CSA à la tête de France Médias Monde, Marie Christine Saragosse vient ainsi de voir son mandat «annulé» pour non-déclaration de patrimoine dans les délais impartis. Cela parce que, dit-elle, personne ne le lui a demandé. «L’audiovisuel public français est… français, sourit Philippe Kieffer. Jusque-là, réformer a toujours consisté à modifier ou à rajouter des strates. Jamais à en enlever.» Richard Werly


Au Japon, la redevance obligatoire suscite une grogne

Forte de finances solides, la NHK a commencé 2018 par l’annonce d’un ambitieux plan triennal pour la période 2018-2020. Avec en ligne de mire les Jeux olympiques de Tokyo de 2020, l’opérateur de l’audiovisuel public nippon prévoit, cette année, de commencer la diffusion de programmes en 8K, un format offrant une résolution 16 fois supérieure à la HDTV. L’autre axe du développement porte sur les services en ligne, pour «fournir au public un accès immédiat à l’information, n’importe où, n’importe quand», a expliqué son président, Ryoichi Ueda.

Fonctionnant sans publicité, l’entreprise publique, créée en 1926, emploie 10 200 personnes et se finance à 96,8% avec les cotisations des téléspectateurs. A 1260 yens (10,80 francs) par mois, cette cotisation lui a assuré en 2017 l’essentiel d’un budget de 711,8 milliards de yens (environ 6,1 milliards de francs), qui sera bénéficiaire de 9,8 milliards de yens (84 millions de francs).

Le reste émane des ventes de différents produits, magazines ou DVD souvent dérivés de son canal éducatif. Le gouvernement japonais accorde à la chaîne une contribution «affectée aux programmes destinés à l’international», notamment ceux de la chaîne de télévision en anglais NHK World, qui serait accessible, dit l’entreprise, à 260 millions de foyers de 160 pays, et des programmes radio diffusés en 17 langues.

Ton désuet

Le financement par le public permet aussi d’assurer une mission de service public d’information – obligatoire selon la loi – sur les catastrophes naturelles. Dans un pays soumis aux risques de séismes ou de typhons, la NHK a développé, en coopération avec l’agence de météorologie (JMA), un système en temps réel informant sur l’intensité des catastrophes et mobilisant son dense réseau de bureaux locaux.

En 2017, 20% des foyers avec télévision ont refusé de payer leurs cotisations, souvent parce qu’ils reprochent la soumission du média au gouvernement

L’argent collecté auprès des Japonais doit garantir son indépendance, mentionnée dans la loi sur la diffusion de 1950. Sur le fond, le ton NHK reste un peu désuet, excluant toute improvisation: les textes des programmes sont tous écrits à l’avance et vérifiés pour éviter toute polémique et paraître consensuels. Beaucoup de Japonais y voient un gage de sérieux. Mais l’entreprise pâtit des soupçons de pressions gouvernementales, surtout depuis le retour au pouvoir en 2012 du premier ministre Shinzo Abe. Quand il était porte-parole du cabinet Koizumi en 2001, il aurait poussé la NHK à couper un documentaire sur le comportement de l’empereur Hirohito (1901-1989) pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2013, il a tout fait pour confier les rênes de l’entreprise à un proche, Katsuto Momii, qui commença son mandat en disant que «si le gouvernement dit «droite», je ne vais pas dire «gauche».

Cela alimente un mécontentement incitant des Japonais à parfois refuser de payer leurs cotisations. En 2017, 20% des foyers avec télévision ne la réglaient pas, souvent parce qu’ils reprochent la soumission du média au gouvernement et sa réticence à aborder en profondeur les scandales de trafic d’influence qui ont menacé M. Abe l’an dernier.

Cela a incité l’entreprise, inquiète pour ses finances, à engager des actions en justice, ce qu’elle se refusait à faire jusqu’au début des années 2010.

Le 6 décembre 2017, la Cour suprême a jugé que tout propriétaire de télévision devait s’en acquitter. Elle a ainsi débouté un Japonais qui refusait de payer, arguant du droit constitutionnel sur la liberté de passer des contrats. Philippe Esnard


En Grèce, la survie chaotique d’un «dinosaure télévisuel»

Alexis Tsipras ne pouvait pas être plus clair. Lorsqu’il prononce, en juin 2015, son fameux discours pour défendre la «souveraineté grecque» et la tenue d’un référendum sur le mémorandum de réformes exigées par l’Union européenne et le Fonds monétaire international, le premier ministre hellène, héraut de la gauche radicale, tient à s’exprimer en direct sur ERT, la télévision publique. Oublié donc, le chapitre chaotique ouvert par la décision de son prédécesseur, le conservateur Antonis Samaras, de fermer le groupe audiovisuel d’Etat.

On peut parler, en Grèce, d’un complexe politico-économico-télévisuel

Marie-Laure Coulmin Koutsaftis

Trois ans après, en ce début de 2018, celui-ci dispose même d’un canal supplémentaire: la chaîne Nerit, créée après l’interruption brutale, a depuis été maintenue, aux côtés d’ERT 1, ERT 2 et ERT3 pour la région de Thessalonique.

Nouvelles licences

Qu’en déduire? «Pas grand-chose, sinon que le vieux monde politique hellénique a réussi à survivre. Et le dinosaure télévisuel avec lui», ironise un diplomate grec, tout juste rentré d’un grand pays européen. Pour preuve: le feuilleton compliqué et à rebondissements des nouvelles licences de chaînes privées. Convaincus que le secteur pouvait être très lucratif pour des finances publiques grecques aux abois, les experts européens avaient préconisé en 2015 l’émission de quatre nouvelles licences pour remplacer les permis jusque-là provisoires octroyés aux sept chaînes privées existantes.

L’appel d’offres a eu lieu. Les candidats se sont manifestés, puis le Conseil d’Etat a cassé le dispositif. Chaos public d’un côté, chaos privé de l’autre: «On peut parler, en Grèce, d’un complexe politico-économico-télévisuel», juge Marie-Laure Coulmin Koutsaftis dans Les Grecs contre l’austérité (Ed. Le Temps des Cerises).

Une telle équation est-elle tenable dans un pays où les retraites ont été très durement amputées, et où l’économie privée demeure exsangue malgré l’amélioration des chiffres budgétaires (un excédent budgétaire primaire de 3,5% est prévu pour 2018)? 2600 salariés travaillaient pour l’ERT avant les réformes, dont 600 journalistes. Les nouveaux chiffres sont aujourd’hui impossibles à obtenir. «Les fonctionnaires forment toujours plus d’un quart de la population active grecque, poursuit notre diplomate. ERT est comme l’ensemble du secteur public: en mode survie.» R. W.


En Belgique francophone, une RTBF qui se démène

En Belgique francophone, la renégociation du contrat de gestion qui fixe le mandat de la RTBF, la radio-TV publique, prend du retard. Ces discussions, qui ont lieu tous les cinq ans, souffrent d’une crise politique au niveau du gouvernement régional.

Si ces tensions relèvent de la politique générale, l’audiovisuel public fait aussi l’objet d’un débat croissant. En vue du prochain mandat, «la place de la publicité à la RTBF, notamment, est discutée. Certains proposent de la supprimer, ce qui paraît difficilement réalisable. Mais il pourrait y avoir une réduction en prime time, et un recadrage du placement de produits», indique Noël Theben, du Conseil supérieur de l’audiovisuel belge, le CSA. La RTBF exploite six radios, dont son canal international, et cinq chaînes de TV auxquelles s’ajoute la version belge d’Arte.

Pas de holding nationale

En raison du plurilinguisme, le paysage belge ressemble à celui de la Suisse. Mais les différences sont nombreuses. La VRT, côté flamand, et la RTBF sont tout à fait distinctes. Il n’y a pas de holding nationale comme la SSR. Dans l’espace francophone, contrairement à la télévision romande, la RTBF a une véritable concurrence en face d’elle: RTL-TVI, une chaîne privée opérée par le groupe RTL basé à Luxembourg, qui échappe à certaines contraintes légales nationales, comme l’obligation d’investir dans la production belge. Même son régime publicitaire relève du droit européen minimal. Le microcosme est en outre agité par le fait que TF1 va prochainement ouvrir des fenêtres publicitaires, comme en Suisse romande. Anticipant des pertes de recettes, RTL-TVI restructure, en supprimant 15% de ses effectifs.

Le groupe privé domine l’audimat. Il capte 25% de part de marché, contre 22% à la RTBF. TF1, elle, bénéficie de 18%, à comparer aux 10% en Suisse romande. La Belgique francophone ne connaît pas M6, filiale de Bertelsmann comme RTL. Les émissions de M6 sont insérées dans les chaînes de RTL. Face à son principal concurrent, «nous gagnons du terrain», précise Jean-Paul Philippot, administrateur général de la RTBF, qui situe le cadre politique dans lequel il évolue: «Si nous ne faisons pas assez d’audience, nous sommes critiqués; mais si nous en faisons davantage, nous le sommes aussi, au motif que nous occupons trop le terrain.»

Le financement de la RTBF diffère aussi du système helvétique, puisqu’il n’y a pas de redevance pour l’audiovisuel. Le groupe est financé à hauteur de 70% par une dotation de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’entité politique de la communauté francophone. Le budget est de 316 millions d’euros, dont un tiers de publicité et autres recettes.

Format Snapchat

La dépendance financière vis-à-vis du pouvoir politique a ses soubresauts. Jean-Paul Philippot rappelle que, depuis la crise de 2008, la RTBF a subi trois coupes budgétaires, avec des réductions d’effectifs à la clé. Ces dernières années, elle a bénéficié de l’indexation et de légères hausses. Une autre particularité locale est le poids important de la publicité à la radio: elle apporte 40% des gains de pub. «Une surpondération caractéristique du marché belge, due aux commerces régionaux, aux coûts bas de cette publicité», précise le responsable.

Dans la grande mêlée actuelle, marquée comme ailleurs par l’arrivée en force des poids lourds américains tels que Netflix, l’audiovisuel public réagit en mettant en avant son information locale et nationale, ainsi qu’en «développant l’écosystème créatif», ajoute le directeur. La RTBF a obtenu un triomphe avec un projet développé au format Snapchat. Et elle a fait une entrée fracassante sur la scène mondiale des séries TV en 2016 avec deux succès, dont La Trêve – acquise dans de nombreux pays et… par Netflix.

Le diffuseur veut miser à plein sur ce créneau, que n’investissent pas – ou pas encore – ses concurrents étrangers. Jean-Paul Philippot annonce que 15 projets de séries sont sur les rails. Au CSA, Noël Theben souligne le phénomène: «Cela fait longtemps que nous n’avons pas eu de productions belges rencontrant un tel écho. Cela montre que l’arrivée des géants américains donne l’occasion de réfléchir à la production locale.» N. Du.