Le Festival de Cannes révèle une riche sélection qui sonne le grand retour du cinéma d’auteur
cinéma
La 74e édition de la prestigieuse manifestation a dévoilé un programme dense, avec 24 films en lice pour la Palme d’or. On y verra les nouveaux longs métrages de Nanni Moretti, Wes Anderson, Paul Verhoeven, Leos Carax, François Ozon ou encore Apichatpong Weerasethakul

Depuis 1946, le Festival de Cannes propose chaque année une sorte d’état des lieux du cinéma d’auteur mondial. Si on ajoute à sa sélection officielle (films en compétition et hors compétition, séances spéciales et programme Un Certain Regard) les sections parallèles que sont la Quinzaines des réalisateurs, la Semaine de la critique et l’Acid, la Croisette donne en quelque sorte chaque année le la de l’année cinéma à venir. Mais voilà qu’en 2020 – patatras! – la plus prestigieuse manifestation cinématographique du monde était pour la première fois de son histoire forcée au silence. En 1968, elle avait duré neuf jours avant d’être officiellement annulée sous la pression de cinéastes comme Jean-Luc Godard et François Truffaut, jugeant indécent sa tenue en plein mai 1968.
Films de confinement, mais pas trop
Exceptionnellement déplacé cette année du printemps à l’été, le Festival de Cannes revient en conquérant. Du 6 au 17 juillet, il va en quelque sorte donner le départ d’un retour à la normale, avec dans son sillage un déferlement de films très attendus, à l’image par exemple de Benedetta, de Paul Verhoeven, et de The French Dispatch, qui avaient été sélectionnés en 2020 mais ont préféré patienter afin de bénéficier de la formidable vitrine et caisse de résonance du festival. Cannes annonce même le retour des grands blockbusters, avec la première mondiale d’un film qui sera montré au Cinéma de la Plage par un studio américain au grand public, et non pas uniquement aux accrédités. A suivre, car on sait simplement pour l’heure qu’il ne s’agit ni de Dune, de Denis Villeneuve, ni du West Side Story de Spielberg ou de Mourir peut attendre, le nouveau James Bond qui patiente depuis avril 2020.
L’an dernier, le festival a uniquement existé, outre un Marché du film virtuel, via un label «Cannes 2020» accordé à une large sélection de longs métrages. Même si pour certains cinéastes cette validation fut un sésame leur permettant une meilleure visibilité, tout cela tenait plus d’une opération marketing qu’artistique. Au moment de dévoiler jeudi en fin de matinée la sélection officielle, le président Pierre Lescure et le directeur artistique Thierry Frémaux ont sans surprise commencé par insister sur leur joie de proposer un festival qui sera le premier grand événement international post-pandémie. Une joie assortie de la lourde tâche d’avoir dû faire sa sélection dans non pas une, mais une année et demie de cinéma, puisque aux films achevés au printemps dernier se sont ajoutés tous ceux qui ont pu être tournés malgré les mesures sanitaires. «On a notamment vu quelques films de confinement, mais pas trop, avec des gens qui portent des masques», a souligné Thierry Frémaux. De la jeunesse des pays du Sud aux mystères du couple, en passant par des envies d’ailleurs et des films lanceurs d’alerte, le directeur promet un beau voyage, avec «beaucoup de poésie et de formes nouvelles».
Lire aussi: Cannes 2020: pas de festival mais une vaste sélection de films vus et approuvés
Pour l’heure, en attendant quelques ajouts de dernière minute, la sélection officielle compte un peu plus de 60 titres. Dans la prestigieuse compétition officielle, 24 longs métrages concourront pour la Palme d’or. Avec forcément ceux qu’on appelle les habitués, les abonnés ou les incontournables, c’est selon. Retour attendu, outre celui d’Anderson et de Verhoeven, d’Asghar Farhadi, Kirill Serebrennikov, Jacques Audiard, Leos Carax, Nanni Moretti, François Ozon, Justin Kurzel, Bruno Dumont et d’un seul précédent lauréat de la Palme d’or, le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, avec son premier film international. On trouve autrement beaucoup de noms connus, comme Nabil Ayouch, Nadav Lapid ou encore Ryusuke Hamaguchi avec une adaptation d’Haruki Murakami. Quatre réalisatrices seront également en compétition, Catherine Corsini, Julia Ducournau, Ildiko Enyedi et Mia Hansen-Løve. Cette faible représentation féminine ne manquera probablement pas, à nouveau, de faire polémique. De même qu’une forte dominante francophone, due aux restrictions encore en place à travers le monde, affaiblit la dimension mondiale d’une compétition parfois plus enthousiasmante sur le papier.
Une nouvelle section pour les cinéastes confirmés
Changement cette année pour le Certain Regard, qui revient à sa dimension d’origine, à savoir une section axée «sur le jeune cinéma d’auteur, le cinéma formel et de recherche». Trop souvent ces dernières années, il servait de pis-aller pour des films non retenus en compétition officielle, a souligné Thierry Frémaux en expliquant avoir créé un nouveau programme, Cannes Première, qui sera quant à lui réservé aux réalisateurs et réalisatrices confirmées ne faisait pas partie de cette «compétition tellement forte que tout le monde veut y aller, mais ce n’est pas possible». Au menu du Certain Regard 2021, 18 films, dont six premiers longs métrages. Aucun nom connu, donc, et dès lors plein de promesses. Belles promesses aussi en séances spéciales avec notamment un documentaire d’Oliver Stone sur l’assassinat de JFK qui le passionne tant, et un film de Charlotte Gainsbourg sur sa mère Jane Birkin.
Lire également: La pandémie met Cannes au tapis
Du côté de Cannes Première, on découvrira notamment les nouveaux films d’Arnaud Desplechin, Andrea Arnold, Samuel Benchetrit ou encore Kornél Mundruczó. Et quid des mesures sanitaires? Tout dépendra forcément encore de l’évolution de la situation épidémiologique, mais les salles devraient fonctionner avec des jauges pleines. Les festivaliers devront bien entendu présenter un passeport covid attestant de leur vaccination ou de leur guérison, ou se faire tester tous les deux jours.
74e Festival de Cannes, du 6 au 17 juillet.
Les 24 longs métrages en lice pour la Palme d’or
The French Dispatch, de Wes Anderson
Les Olympiades, de Jacques Audiard
Haut et fort, de Nabil Ayouch
Red Rocker, de Sean Baker
Annette, de Leos Carax
La Fracture, de Catherine Corsini
Titane, de Julia Ducournau
France, de Bruno Dumont
L’Histoire de ma femme, d’Ildiko Enyedi
Un Héros, d’Asghar Farhadi
Drive My Car, de Ryusuke Hamaguchi
Bergman Island, de Mia Hansen-Løve
Lingui, de Mahamat-Saleh Haroun
Nitram, de Justin Kurzel
Compartment no 6, de Juho Kuosmanen
Les Intranquilles, de Joachim Lafosse
Le Genou d’Ahed, de Nadav Lapid
Tre Piani, de Nanni Moretti
Tout s’est bien passé, de François Ozon
Flag Day, de Sean Penn
La Fièvre de Petrov, de Kirill Serebrennikov
Julie en douze chapitres, de Joachim Trier
Benedetta, de Paul Verhoeven
Memoria, d’Apichatpong Weerasethakul