«Les Feuilles mortes», nouveau chapitre de la (tragi)comédie humaine selon Aki Kaurismäki
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AbonnéLe cinéaste finlandais revient en compétition avec un film fragile et poétique racontant la rencontre de deux âmes en peine errant dans une banlieue intemporelle

Quel bonheur, alors qu’on a tout juste dépassé le milieu de la compétition du 76e Festival de Cannes, de retrouver le Finlandais Aki Kaurismäki avec un nouveau film qui tient plus du fragile haïku (il dure 1h21) que du grand film d’auteur. Les Feuilles mortes n’est que son cinquième long métrage depuis L’Homme sans passé en 2002, alors qu’il en avait signé une quinzaine entre le début des années 1980 et 1999, et le premier depuis L’Autre Côté de l’espoir en 2017. Dans ce précédent long métrage comme dans le bouleversant Le Havre (2011), il avait mis en scène des immigrés. Ici, il revient à des personnages finlandais marginaux et qui errent, en périphérie d’Helsinki, dans des décors qui ne semblent pas avoir bougé depuis le milieu du XXe siècle.
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Mais pour bien ancrer son histoire dans le présent, il la situe précisément en mars 2022, au moment du bombardement par l’armée russe de l’hôpital de Marioupol – on entend la nouvelle à travers un vieux poste de radio posé dans un appartement miteux dans une scène qui pourrait dater de la Deuxième Guerre mondiale, comme si Kaurismäki voulait rappeler que l’histoire, tragiquement, se répète. L’appartement est celui d’Ansa, vendeuse dans un supermarché, bientôt licenciée pour avoir emporté un sandwich périmé plutôt que de le jeter à la poubelle comme le veut le règlement. Holappa est un ouvrier tout aussi solitaire qui sera, lui, licencié pour alcoolisme. Un soir, dans un bar karaoké où se retrouvent les âmes en peine, leurs regards se croisent…
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Les Feuilles mortes a ceci de merveilleux qu’il émeut avec trois fois rien, un chien qui passe ou une bouteille qu’on vide, et que ses personnages ne sont pas regardés avec compassion, mais avec une sincère envie de donner un visage et une voix aux laissés-pour-compte sans en faire, comme souvent, des héros du quotidien. Kaurismäki est un grand cinéaste qui a quelque chose de chaplinesque – influence qu’il cite joliment dans le plan final – dans sa manière de parler des gens ordinaires avec poésie et un humour empreint de mélancolie. Son cinéma est beau et précieux.