Comme tant d’autres cinéastes italiens, on avait perdu de vue Marco Risi, fils du grand Dino, remarqué il y a vingt ans avec le doublé Mery per sempre et Ragazzi fuori, chroniques de la jeunesse perdue sicilienne. Après une poignée de comédies, une biographie de Diego Maradona et un honnête film anti-mafia (Fortapàsc, 2009) tous inédits, sans oublier une modeste carrière de producteur, le voici qui ressurgit, sexagénaire, avec un polar «engagé». Un film – à l’affiche dès mercredi aux Cinémas du Grütli de Genève comme en France – qui tombe à pic pour la sortie de piste d’un certain Silvio Berlusconi?

Le nom de celui qui a fait tant de mal au pays et à ses images n’est jamais prononcé tout au long de Cha cha cha. Mais son ombre, et celle de la corruption qu’il a favorisée, planent sur tout le film, du premier plan (un cadavre livré aux chiens dans une friche aéroportuaire) au dernier (un concours de danse télévisé). Entre le crime sordide et le divertissement, quel lien? Un détective aussi désabusé qu’idéaliste, se chargera de le mettre à jour.

Jeunesse sacrifiée

Engagé par une ex-actrice recasée avec un grand avocat, Corso est chargé de filer son fils adolescent d’un précédent mariage, qui file quant à lui du mauvais coton. C’est ainsi qu’il devient le témoin d’un accident mortel qui a tout l’air d’un assassinat. Se sentant responsable, peut-être même amoureux de sa commanditaire, Corso se lance dans sa propre enquête tandis que celle de la police tourne court. Surveillé, bientôt menacé, Corso s’entête, jusqu’à débusquer un photographe douteux et le lien avec le mystérieux décès d’un ingénieur…

On l’aura compris, un tel scénario n’est pas de nature à révolutionner le genre. Du «privé» intègre (le beau Luca Argentero) à l’homme de pouvoir machiavélique (un repoussant Pippo Delbono) en passant par la «people» (l’ex-mannequin Eva Herzigova), le paparazzo (un Marco Leonardi empâté) et le flic plus ou moins ripoux (le populaire Claudio Amendola), chacun ici est parfaitement typé. Il y a pourtant un réel plaisir à suivre ce polar sur fond de collusions entre milieux d’affaires, politique et mafia.

Dans sa mise en scène, Marco Risi sort en effet le grand jeu, comme si sa vision de Rome voulait rivaliser avec celle de Paolo Sorrentino dans La grande bellezza! Son film marie film noir à l’américaine et «fiction de gauche» à l’italienne, jusqu’à citer le fameux final de Chinatown de Polanski. «Quel pays!» Reste à savoir si un tel film, qui invoque des formes (dé)passées, peut encore avoir le moindre impact dans le monde d’aujourd’hui.

VV Cha cha cha, de Marco Risi (Italie/France 2013), avec Luca Argentero, Eva Herzigova, Pippo Delbono, Claudio Amendola, Marco Leonardi, Pietro Ragusa, Bebo Storti, Jan Tarnovskiy. 1h30