Frédéric Mermoud: «The Handmaid’s Tale, marquante à plus d’un titre»
moi et les séries
Cinéaste, auteur de «Sirius» dans la collection TV «Ondes de choc», Frédéric Mermoud analyse la série avec Elisabeth Moss

«C’est aux Etats-Unis que j’ai découvert les premiers épisodes de The Handmaid’s Tale, un récit dystopique, qui ose le romanesque tout en questionnant le fondement de nos sociétés judéo-chrétiennes. Produite par Hulu, une plateforme de streaming (ce qui est plutôt nouveau), cette série fait l’hypothèse d’une Amérique totalitaire dirigée, après un coup d’Etat, par une secte blanche, chrétienne et puritaine. La population étant frappée d’une stérilité exponentielle, les notables se partagent les femmes dites fécondes, les réduisant au statut de pondeuses, afin d’assurer la pérennité de leur caste.
La série suit alors Offred, magistralement incarnée par Elisabeth Moss. Cette servante doit porter le bébé d’un des hauts dignitaires et sa révolte sourde va dynamiter une société ultraconservatrice, immonde et hypocrite.
Ce show est marquant à plus d’un titre. C’est à la fois un univers porté par des comédiens sublimes, mais c’est aussi un concentré d’invention visuelle. The Handmaid’s Tale fait le pari d’un minimalisme très payant. La palette des couleurs est réduite, le rouge pour les femmes fécondes, le vert et le noir pour les élites, le gris pour le peuple. Et les personnages évoluent dans de vastes décors stylisés et monochromes qui s’appuient sur une architecture néogothique, aussi froide que puissante.
La mise en scène ose aussi un fabuleux travail sur le hors-champ, pour représenter notamment la violence. Le spectateur ressent alors un double vertige: celui de la narration pure qui frôle le thriller et celui de la découverte d’un monde à la fois familier et cauchemardesque. Nul doute: si cette série nous touche tant, c’est qu’elle est en prise directe avec l’Amérique néoconservatrice de Trump. Elle interroge un schéma patriarcal désuet, et ce au moment d’une prise de conscience collective induite par l’affaire Weinstein. Parfois, un show touche l’inconscient d’une société, au-delà de ses qualités intrinsèques. C’est le cas de The Handmaid’s Tale, dont la nouvelle saison sort ces jours.»
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