Si vous avez… 8 x 30'

«High Desert»

Le titre est une référence à ces plateaux désertiques de l’est californien où se niche la ville de Yucca Valley, décor de la série. Mais aussi un clin d’œil à l’état de sa protagoniste: Peggy (Patricia Arquette) ne touche pas souvent terre. Ex-addict se soignant à la méthadone, un mari (Matt Dillon) derrière les barreaux et un fils qui ne lui parle plus, Peggy est une quinqua en roue libre. Fauchée, elle s’agite en tenue de saloon dans un parc à thème «conquête de l’Ouest» pour se faire quelques dollars. Une vie décousue que vient encore effilocher le décès de sa mère, suivie de cet ultimatum: ses frères et sœurs vendront la maison familiale si Peggy ne trouve pas de quoi payer l’hypothèque. De quoi l’amener à une réorientation professionnelle radicale: elle sera détective privée. La voilà qui commence une enquête sur un Picasso disparu, qu’elle aperçoit sur le mur d’une vedette locale…

Si Peggy se sèvre, regarder High Desert donne l’impression d’avoir soi-même pris quelques cachets. Entre deux virées en voiture (éventrée, la dame s’encastrant dans tout ce qu’elle croise), on rencontre: un gourou, une comédienne de série B, un détective raté… Le scénario est aussi dissipé que son héroïne, charmant quoique à la limite de l’épuisant. Pour porter le tout, il fallait bien le charisme d’une Patricia Arquette, qui n’a plus rien à prouver mais réussit ici à osciller entre l’exubérance et la vulnérabilité. Un tour de force, timbré, qui vaut à lui seul un petit tour du côté du High Desert. V. N.

Une série de Nancy Fichman, Katie Ford et Jennifer Hoppe-House (2023). Quatre épisodes déjà disponibles sur Apple TV +.


Si vous avez… 8 x 50'

«The Clearing»

Elle compte parmi les rares leadeuses de sectes. Dans les années 1960, Anne Hamilton-Byrne, professeure de yoga et réincarnation autoproclamée de Jésus, a gardé captifs, durant deux décennies, une ribambelle d’enfants dans une maison de la campagne australienne. Prêchant un mélange de christianisme et de prophétie apocalyptique, prônant une éducation «pure» loin des vicissitudes de la société, elle a soumis quelque 28 jeunes à des souffrances physiques et mentales jusqu’à l’intervention de la police en 1987.

De quoi inspirer The Clearing, première série originale australienne de Disney + – qui débute par l’enlèvement d’une fillette sur un bord de route – bientôt emmenée auprès de sa nouvelle «mère» (l’excellente Miranda Otto) et les autres enfants, cheveux décolorés et regards vides. Parmi eux, Amy, la plus âgée, est chargée de surveiller cette nouvelle recrue. Par des allers-retours temporels, on rencontre aussi Freya, mère célibataire qu’un nouvel enlèvement bouleverse, sans qu’on sache exactement pourquoi. Pas de doute, l’ambiance est sombre, planante, The Clearing privilégiant l’atmosphère aux rebondissements façon thriller. Un parti pris qui évite le sensationnalisme pour s’attacher aux mécanismes psychologiques. V. N.

Une série de Elise McCredie et Matt Cameron (2023). Deux épisodes déjà disponibles sur Disney +.


Si vous avez… 10 x 10'

«State of the Union»

Depuis Ingmar Bergman et ses Scènes de la vie conjugale (1973), l’éclatement du couple, ses déflagrations et ses rancœurs intestines n’ont cessé d’inspirer les séries – de The Split au récent remake de Scenes from a Marriage, qui voyait Jessica Chastain et Oscar Isaac jouer les parents en rupture. Sans surprise, les Britanniques ont eux aussi décortiqué la fin de l’amour, mais avec leur microscope joyeusement décalé. Voilà donc State of the Union, qui fait d’un couple de quadras londoniens son sujet d’étude. Un titre comme clin d’œil à l’état d’une autre union, européenne celle-ci, la série ayant vu le jour dans le sillage du Brexit.

Le Brexit, d’ailleurs, fait partie des nombreux sujets qui divisent Louise (Rosamund Pike) et Tom (Chris O’Dowd). Elle est gérontologue, lui critique musical au chômage, elle l’a trompé, il ne s’en remet pas alors ils entament, bon gré mal gré, une thérapie de couple. Dans chaque (très!) court épisode, ils se retrouvent dans un pub, dix minutes avant leur session. Tom prend une bière, Louise un verre de blanc et tout y passe: la paralysie de leur vie intime, le sens du mariage, leurs goûts irréconciliables en matière de cinéma, les reproches mais aussi d’improbables métaphores filées (la vie sexuelle, c’est comme les pendules de Newton, «elles aussi finissent par s’arrêter»).

Récemment débarqué sur Arte, State of the Union table sur une mise en scène minimaliste pour tout miser sur le texte qui fuse, tour à tour banal et incisif – ou comment le seul placement d’un «well…» peut prendre des proportions nucléaires. Etonnamment, on se laisse balader sans l’impression de tourner en rond. On est même tenté de jeter un œil à la deuxième saison, qui dissèque un autre couple, une autre crise, de l’autre côté de l’Atlantique. V. N.

Une série de Nick Hornby et Stephen Frears (2019). Deux saisons disponibles sur Arte TV.


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