Dans «Hockey Meuf», le féminisme se joue en équipe
Séries
La nouvelle websérie de Couleur 3, diffusée dès dimanche sur YouTube, s'invite dans les vestiaires d'une patinoire. Là où les féminités se dévoilent avec humour et sans complexes

C’est l’histoire de deux hockeyeuses. La première est enceinte de six mois, l’autre vient de larguer son copain et débarque dans les vestiaires de la patinoire avec sa crosse, ses sacs Ikea et sa plante verte. C’est là, devant les casiers jaune poussin, qu’elles scellent un pacte: elles vont remporter le championnat. N’en déplaise à leur coach dépressive qui bougonne en justaucorps dans les toilettes: «Depuis quand une équipe féminine a de l’ambition?!?»
Ce décor improbable est celui de Hockey Meuf, nouvelle websérie de Couleur 3 lancée ce dimanche sur YouTube. Qui, comme son nom l’indique, parle de sport et de femmes – surtout de femmes. De leurs aspirations, leurs dilemmes, leurs questionnements. Et quel meilleur lieu qu’un vestiaire pour se mettre à nu, échanger sur son expérience sans filtres ni tabous?
Un naturel auquel aspiraient les comédiennes romandes Donatienne Amann et Laura Chaignat au moment d’imaginer Hockey Meuf. Avec, en ligne de mire, des rôles féminins qu’elles avaient «vraiment envie d’incarner». «Dans le vestiaire, les femmes ne sont pas en représentation, elles sont simplement qui elles sont, note Laura Chaignat, par ailleurs animatrice de la matinale de Couleur 3. C’était une façon de faire parler les femmes sur les femmes et avec leur vocabulaire, des mots parfois crus qu’on n’entendrait jamais au tea-room.» Le hockey sur glace? Ni l’une ni l’autre ne le pratique dans la vie, mais son image est hautement symbolique. «On aimait l’idée de parler des fragilités de la femme, armées de casques et de plastrons. C’est un sport plutôt rentre-dedans où il faut en vouloir, et la victoire est ici métaphorique: l’égalité.»
Féminisme décomplexé
Une série profondément féministe donc, qui aborde pêle-mêle la charge mentale, le plaisir féminin, la contraception ou encore l’avortement, mais sans jamais se faire moralisatrice. «On parle du féminisme dans toutes ses contradictions, précise Donatienne Amann. Comme le fait de passer une heure à se faire les ongles ou de croire au grand amour.» «On s’interroge toutes: suis-je une bonne ou une mauvaise féministe? Et est-ce que cette dernière existe? renchérit Laura Chaignat. Les féminismes sont multiples, et il est primordial de décomplexer le sien.»
C’est chose aisée avec le ton potache et décalé propre à Couleur 3 – «T’as pas tes règles, toi?» lance la joueuse délurée a sa coéquipière… enceinte. «On peut parler de trucs qui concernent les femmes et être drôles, souligne Donatienne Amann. J’ai remarqué en faisant de l’impro qu’on complimentait souvent mes performances dans les catégories libres ou le registre de l’émotion. Mais je peux aussi faire des blagues!»
S’entraîner avec les garçons
On doit d’ailleurs le comique des six épisodes à une équipe 100% féminine, qui compte dans ses rangs l’autrice et chroniqueuse Marie Fourquet. Une jeune hockeyeuse a aussi été consultée – «elle s’entraîne dans l’équipe féminine, où les joueuses ont de 14 à 54 ans! Et si elle veut s’entraîner d’avantage, elle doit le faire avec les garçons», s’indignent les comédiennes. Un travail collectif bienveillant, presque sororal. «Pendant la semaine d’écriture, j’ai partagé des choses que je n’avais jamais partagées avant. C’était un espace safe», confie Donatienne Amann.
Rien de surprenant à ce que les personnages, sous leurs jambières et leur deuxième degré, reflètent leurs propres expériences de jeunes trentenaires. Avec l’espoir que les spectatrices s’y reconnaissent elles aussi, ou que la série provoque le débat. «Peut-être qu’ensuite, elles en parleront à leur mec, et là, c’est bingo!»
«Hockey Meuf», websérie en six épisodes de cinq minutes, dévoilés chaque semaine sur la chaîne YouTube de Couleur 3 dès dimanche.
L’expérience féminine en (web)séries
Elle est nue, allongée de dos face à une glace dans laquelle elle semble nous fixer. En 1647, Diego Vélasquez peint la Vénus à son miroir et fait scandale: jamais les fesses de la déesse n’avaient été représentées de cette façon, au premier plan. En 1914, une suffragette britannique lacérera d’ailleurs le tableau en pleine National Gallery, se rebellant ainsi contre l’érotisation du corps de la femme. Mais, surprise, la Vénus de Vélasquez aurait été inspirée par un personnage étonnamment inclusif: une sculpture antique d’Hermaphrodite, personnage mythologique qui mêle les attributs des deux sexes…
Cette petite leçon d’histoire de l’art à la sauce féministe n’est pas extraite d’un livre mais de Merci de ne pas toucher, nouvelle websérie d’Arte. La comédienne et autrice Hortense Belhôte y décrypte en mode express de célèbres toiles représentant des femmes, qu’elle convoque dans des cadres ultramodernes et insolites. Ainsi, l’Olympia de Manet, La Laitière de Vermeer ou L'Origine du monde de Courbet sont passés à la loupe depuis un terrain de foot, une boîte de nuit ou le cabinet d’une esthéticienne. Frais et instructif.
La vague picturale et féminine a aussi gagné Canal+, qui dévoilait le mois dernier sa fresque, Neuf Meufs. Une minisérie en neuf courts épisodes pour raconter les fragments de vie d’autant de femmes, habitant un même immeuble parisien sans forcément se reconnaître. Il y a Violette (Mademoiselle Agnès), la mère d'une adolescente qui se pose mille questions sur la sexualité, Anna (Sarah Suco), qui reconnaît sur une appli de rencontre un ami sur le point de se marier, Charlie (Camille Rutherford), une Britannique en pleine rupture consolée par le concierge (Philippe Katerine) ou encore Framboise (Marie Bunel), rattrapée par la nostalgie d’un mariage passé.
Sans s’embarrasser du contexte, l’actrice Emma de Caunes plonge dans le quotidien et l’intimité de ses Neuf Meufs entre désirs irrépressibles, cœurs en miettes, solitude (subie ou choisie). Des instantanés parfois cocasses, souvent charmants, sensibles et nuancés.