«Impasse»: de la migration à la prostitution
Cinéma
A Lausanne, un documentaire va à la rencontre de migrantes contraintes à la prostitution

C’est violent, une ville la nuit. Avec ses plans hivernaux de friches et de béton, «Impasse» dessine la géographie d’une antichambre de l’enfer. Sous les éclairages halogènes de cette zone industrielle lausannoise, les âmes se perdent et les voitures tournent tels des fauves cherchant leurs proies.
Rêve de réussite brisé
Elles viennent d’Afrique, d’Europe de l’est, d’Amérique latine. Attirées par le mirage d’un bon job permettant de sortir de la misère, elles se sont fracassées sur la réalité, sont tombées entre les pattes de maquereaux (-relles) sans scrupule, et leur rêve de réussite a fini sur le trottoir. Leurs histoires sont tragiquement banales. Les clients qui se croient tout permis parce qu’ils ont payé, la honte, une grossesse indésirée, la maladie, la menace d’une expulsion, et les «bourreaux», c’est le nom qu’elles donnent de leurs souteneurs, usant de menaces et de chantage…
Elise Shubs, 37 ans, signe son premier film. Diplômée en sciences humaines, spécialisée en droit d’asile, fondatrice de l’association Country Information Research Center (CIREC), elle a été l’assistante de Fernand Melgar sur Vol spécial et L’Abri. Avec «Impasse», la réalisatrice a voulu «parler de la prostitution, sans jamais la montrer, faire expérimenter au spectateur un autre point de vue sur cette activité».
Réalisme poétique
Des femmes qui font le récit de leur déchéance, on ne verra que de lointaines silhouettes ou alors des gros plans sur les mains, les pieds, les meubles. Dicté par la pudeur ou la timidité, le dispositif laisse le spectateur sur sa faim, non qu’il fût un voyeur amoral, mais parce que l’empathie a besoin d’un visage, d’un regard. Plus radiophoniques que cinématographiques, les témoignages recueillis par Elise Shubs visent une forme d’abstraction.
Pour compenser l’absence de personnages humains, le photographe Matthieu Gafsou compose des plans très esthétiques. Devant sa caméra, le quartier de Sébeillon devient un décor de film noir, option réalisme poétique – voir le dernier plan, une flaque d’eau reflétant la lune et une étoile, celle de l’espoir sans doute…
Impasse, d’Elise Shubs (Suisse, 2017), 1h01. Projection en présence de l’équipe: Pully City-Club, je 6 avril, 20h