hommage
Le cinéaste vaudois est décédé à l’âge de 91 ans, chez lui à Rolle en recourant au suicide assisté. Figure de proue de la Nouvelle Vague, il aura révolutionné le 7e art à travers ses films provocateurs, souvent ardus, toujours passionnants. De «A bout de souffle» au «Livre d’image», il laisse une œuvre gigantesque et d’innombrables questions sans réponse

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L’astronomie a eu Galilée, la science Darwin et le cinéma Godard. Sans lui, on en serait encore à filmer Au Théâtre ce soir. Jean-Luc Godard est entré d’emblée dans l’histoire avec son premier long métrage, A bout de souffle, en 1959, une relecture du film noir avec le jeune Jean-Paul Belmondo en bandit et Jean Seberg, à qui revient le mot de la fin: «Ça veut dire quoi «dégueulasse»?»
Filmé à l’arraché dans les rues de Paris, osant s’émanciper des sacro-saintes règles de la narration et du décorum empesé de la qualité française, ce manifeste lance la Nouvelle Vague, un tsunami culturel dont l’onde se répercute jusqu’à Hollywood, inspirant les réformateurs Coppola, Scorsese ou George Lucas. Une nouvelle mythologie se met en place.
La modernité selon JLG: Jean-Luc Godard, l’homme-cinéma
Mais qui est Jean-Luc Godard? L’auteur de 140 films de tout format sur tout support. Un «sujet biographique redoutable», selon Antoine de Baecque, l’auteur de Godard (Grasset, 2010), une somme de près de 1000 pages remontant les pistes de toutes les archives possibles. Un inventeur de formes. Un provocateur. Un moraliste. Un dialecticien. Un clown métaphysique. Un agitateur. Une star. Une ombre. Un sphinx, posant d’insolubles énigmes: «Est-ce que je peux pisser dans le lavabo?» (A bout de souffle), «Est-il possible que l’image du passé soit fausse?» (Histoire(s) du cinéma), «Un peuple peut-il être fort sans écrire de poésie?» (Notre Musique), «Avez-vous déjà été piqué par une abeille morte?» (Nouvelle Vague), «A cause de quoi la lumière?» (Film socialisme)…
Marx et Coca-Cola
François Truffaut observait que dans ses 12 premiers films, Godard ne fait jamais allusion au passé. Antoine de Baecque a reconstitué l’enfance et la jeunesse méconnues du cinéaste. Issu d’une famille de banquiers et de médecins protestants, le petit Jean-Luc grandit dans le confort. Kleptomane, il est banni de la famille après avoir volé des livres précieux. Il pique dans la caisse des jeunes Cahiers du Cinéma, puis dans celle de la Télévision suisse, fait quelques nuits de prison et un séjour en hôpital psychiatrique pour éviter le service militaire avant de hanter les ciné-clubs parisiens. Critique aux Cahiers, il bricole quelques courts métrages.
Né entre deux pays, entre deux guerres, Godard est le trait d’union entre la littérature classique et le cinéma d’avant-garde, entre John Lennon et Mauriac, entre Chantal Goya et Samuel Fuller… «Je suis un enfant de la décolonisation. Je n’ai plus aucun rapport avec mes aînés qui sont les enfants de la Libération, ni avec mes cadets qui sont les enfants de Marx et de Coca-Cola.» Charmeur et cruel, sinueux, il est insaisissable.
Soigne ta droite
Au début des années 60, Freddy Buache, fondateur de la Cinémathèque suisse, dénonce «l’arrogance fasciste qui se dissimule au sein de la Nouvelle Vague» – il s’est rétracté plus tard. Les ambiguïtés du Petit Soldat agacent. Godard biaise, «comme je suis sentimental, je serais plutôt à gauche», aggravant son apolitisme d’une touche de misogynie: «Les filles sont de gauche parce qu’elles sont naïves et romantiques.» Au mitan des sixties, le jeune anarchiste de droite adhérera à une gauche extrême.
Il taille sa route en semant des aphorismes qui font sensation: «La photographie, c’est la vérité. Le cinéma, c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde», «Le travelling est une affaire de morale», «Le ralenti, c’est le silence de la vitesse»…
Godard se dit «chargé de recherches au musée de l’Homme», «entomologiste d’une génération perdue». Il analyse les rapports de couple, vitupère la société de consommation, interroge les mutations de la France des années 60, donne à entendre la voix de la jeunesse. Il a du génie quand il s’agit de contourner une contrainte commerciale: le rab d’érotisme qu’exigent les producteurs du Mépris se transforme en scène culte, avec Bardot qui minaude: «Tu les trouves comment mes seins?»
Entre les stances de la séduction et les scènes nimbées d’une lumière vieil or tournées à la villa Malaparte de Capri, Le Mépris marque un sommet dans la filmographie de Godard. Le cinéaste investit beaucoup de lui-même dans cette histoire d’un homme qui, par lâcheté, perd la femme qu’il aime, si l’on en croit Michel Piccoli qui tient le rôle principal: «Le costumier m’habillait comme Godard s’habille. C’est Godard que je joue. Le comédien joue toujours le réalisateur. Toute la souffrance de Godard était là. C’était un reflet dans un gigantesque miroir d’orgueil.»
A lire: Et Godard créa «Le Mépris»
Star mondiale
Honni par la censure, Godard devient une star mondiale. En 1967, Truffaut demande: «Jean-Luc Godard deviendra-t-il plus populaire que le pape, donc juste un peu moins que les Beatles?» Un projet de film avec les Beatles échoue (One + One se fera avec les Rolling Stones) mais en avril 1985, le pape dénonce Je vous salue Marie, qui «détourne et offense le sentiment spirituel et le sens historique des valeurs fondamentales de la foi chrétienne».
L’ascension de Godard ne va pas sans anathèmes et excommunications. Le cinéaste pousse la sincérité jusqu’à l’autodestruction. Il se brouille à mort avec Truffaut, son meilleur ami, qui le traite de «merde sur socle». Exaspéré par la censure, cette «gestapo de l’esprit» qui s’exerce à l’encontre de ses films, il écrit à André Malraux, ministre de la Culture, déployant des trésors de rhétorique cruelle pour stigmatiser l’ancien résistant: «Comment donc pourriez-vous m’entendre, André Malraux, moi qui vous téléphone de l’extérieur, d’un pays lointain, la France libre?»… Le polémiste inspiré se double d’un sale type, mufle éhonté qui rompt avec Anna Karina en lui assénant: «J’aurai avec une autre les enfants que tu ne m’as jamais donnés»…
Joli mois de mai
Pour Godard, 1968 marque une rupture. Dégoûté par son statut de vedette, le plus célèbre cinéaste de France prend le maquis, se retire dans l’anonymat pour mener des expériences cinématographiques alternatives au sein du Groupe Dziga Vertov. «Décider d’entrer en clandestinité est un coup de force, estime Antoine de Baecque. Une forme de suicide mais un choix assumé.»
Michel Hazanavicius, qui consacre un hommage fantaisiste à cette crise dans Le Redoutable, renchérit: «Oui, il a une volonté de changement qu’il appelle «révolution». La volonté de se renouveler pour casser l’ancienne époque, pour la faire disparaître avec des dynamiques politiques, artistiques et pathologiques. Le Godard que je mets en scène est profondément masochiste, dans un délire d’autodestruction. Un homme normal cohabite avec un monstre: il s’appelle Jean-Luc Godard et, à moins de 40 ans, il est vénéré, adoré, mythifié par le monde entier. C’est complètement schizophrène. Il tue ses idoles, son propre cinéma, tout son passé, ses amitiés… Il va jusqu’à tuer son propre nom: créer le groupe Dziga Vertov est une manière de dire «Jean-Luc Godard n’existe plus.» Il a été dissous dans un projet politique»…
Lire aussi: «Le Redoutable» ou Godard dans la tourmente de Mai 68
Retour en grâce
Et au début des années 80, après dix ans de quasi-anonymat, Jean-Luc Godard exécute un magistral come-back. Il se fabrique un personnage de bouffon médiatique, mais s’impose aussi comme un cinéaste grand public, en attirant plusieurs millions de spectateurs avec des films lumineux d’une indéniable qualité, souvent tournés sur les bords du Léman, comme Sauve qui peut (la vie), Prénom Carmen, Passion, Je vous salue Marie…
Doté d’un sens exceptionnel de la formule, il met en joie avec des inventions verbales. Entarté tel un pompeux cornichon à Cannes en 1985, il décrète qu’il s’agit de «la revanche du cinéma muet au cinéma parlant». Lors de la Nuit des Césars 1987, il déclare: «J’arrive pas bien à faire des films, mais j’aime bien faire du cinéma. Je remercie les professionnels de la profession d’avoir jeté leur regard sur les amateurs d’ombre et de lumière dont je fais partie.» L’expression «professionnels de la profession» entre dans le langage courant.
Historien du cinéma
Après les réussites des années 80, il fracasse le jouet qu’il avait reconstruit. Il rentre à nouveau dans une forme de discrétion, avec Histoire(s) du cinéma, qui l’occupe pendant plus de dix ans. Présentée dans son intégralité au Festival de Locarno en 1995, cette somme en quatre parties est une époustouflante épistémologie du 7e art. Dans sa maison de Rolle, à l’intersection de la salle de montage et de la bibliothèque, Jean-Luc Godard, cigare au bec à la façon d’Orson Welles et regard de chouette, l’emblème d’Athéna, déesse de l’intelligence, rassemble des images, des photographies, des extraits de films, des musiques, des citations et des anecdotes pour tenter d’expliciter l’obscure clarté du cinéma. En poète, en moraliste, en résistant, en mystique, il pose deux questions fondamentales: «Qu’est-ce que le cinéma?» et «Quelle est sa responsabilité morale?»
Et encore: Godard, toujours
Procédant par associations libres d’idées, par juxtapositions d’images, par rapprochements inattendus, il entend raconter «toutes les histoires qu’il y aura, qu’il y aurait, qu’il y a eu». Irving Thalberg, le dernier nabab, l’homme qui pensait 52 films par jour. Howard Hughes, le milliardaire qui est mort comme Daniel Defoe n’a pas osé faire mourir Robinson: seul sur son île au trésor. Des mythes, car à l’instar de la religion, le cinéma ne se base pas sur la vérité historique: «Le mythe commence avec Fantômas et finit avec Jésus-Christ.» Et puis Rita, Joan, Ginger, les plus belles femmes du monde, celles dont le prénom suffit à faire battre nos cœurs de vermisseaux et hurler le loup de Tex Avery… Et Max Linder, qui nous fit tant rire et dont les derniers mots furent «Au secours!».
Le cinéma, c’est à la fois la matière et l’esprit, les rouleaux de pellicule qui s’entassent, la lumière qui leur donne la vie, la mémoire qui fait danser les ombres, la puissance du rêve et de l’argent. Le cinéma capte l’éphémère, comme le linge de Véronique a retenu les traits du Christ. Le cinéma consiste à projeter une image, comme auparavant on projetait une utopie. «Il faut rêver», nous dit Godard en montrant la momie de Lénine. Ainsi, l’inventeur du cinéma a-t-il peut-être été cet officier napoléonien qui tournait en rond dans sa geôle moscovite et reconstruisait mentalement ses connaissances géométriques en projetant des figures sur le mur rectangulaire de sa cellule. L’humoriste n’est pas à la traîne, quand il s’agit de saluer les fondateurs du cinématographe: «Ils auraient pu s’appeler Abat-Jour, ils s’appelaient Lumière et ils avaient presque la même bobine.»
Repli sur Rolle
L’approche réflexive développée dans cette encyclopédie du cinéma imprègne désormais toutes ses «propositions de cinéma», Hélas pour moi!, dans lequel il rencontre Dieu (God en anglais), JLG/JLG. Autoportrait de décembre, un thrène dans lequel il se prend pour sujet, For Ever Mozart, un badinage avec Musset du côté de Sarajevo, Notre Musique dont la métaphysique lumineuse rassérène en temps de guerre…
A l’avènement du XXIe siècle, Godard se replie dans son antre de Rolle. Il cultive la solitude, se confit dans le rôle de vieux sage atrabilaire, attendant peut-être, comme il disait jadis, «la fin du cinéma avec optimisme». Pour Antoine de Baecque, «il élabore cette image, évidemment mythique, de l’ermite que vont visiter quelques happy few. Il a voulu casser sa relation aux gens et la solitude le rend, un peu aigri, un peu cynique. C’est sa forme de vieillesse. Son rire a finalement été annihilé, comme rongé par la mélancolie»…
En 2010, il signe Film socialisme, une relecture de La croisière s’amuse, un manifeste en faveur d’un cinéma dialectique, métaphysique, poétique, sarcastique, avec Patti Smith et Alain Badiou sur le pont supérieur.
Le navire vogue sur la Méditerranée, berceau de la civilisation où le destin de l’humanité a saigné depuis l’Antiquité. Mais comme dit une jeune passagère, «Je ne veux pas mourir sans avoir vu l’Europe heureuse». Godard procède à nouveau à un montage kaléidoscopique d’images venues de toutes les cultures pour catalyser chocs sémiotiques et fulgurances poétiques. Il pirate sans vergogne le patrimoine cinématographique, mais propose de verser des droits d’auteur aux Arabes qui ont inventé le zéro et aux Grecs pour la démocratie. Enfin, il met sur l’internet Film socialisme le jour de sa projection à Cannes. Au festival, il a envoyé ce mot sibyllin: «Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus.» Son absence sur la Croisette est le plus grand événement de l’édition 2010.
JLG voit double
Ce coup d’éclat devient une habitude. Godard se change en courant d’air, et moins on le voit, plus on l’espère, plus on l’adore. A Cannes, en 2013, où il pose à nouveau un lapin aux organisateurs, les professionnels de la profession se ruent à la première d’Adieu au langage, un essai ratifiant la démission de la pensée, tels des fidèles qui investissent une cathédrale tout en sachant qu’ils n’y verront pas Dieu. Il est un des plus grands mythes du 7e art, même si ses films n’accèdent même plus aux circuits de distribution.
Adieu au langage marque l’entrée officielle de Jean-Luc Godard dans le cinéma 3D (après un sketch dans 3 x 3, film collectif). Et lorsque le vieux maître se pique de modernité, il en remontre à bien des blancs-becs. Sa 3D dépote. Le museau du chien jaillit de l’écran comme un plongeoir, la bitte d’amarrage du port de Rolle s’incruste au milieu de la salle. Il imagine des surimpressions tridimensionnelles qui prennent les globes oculaires des spectateurs pour des boules de billard. Il tâte même du split screen: les deux actions étant confusément emmêlées, il faut fermer alternativement les yeux pour les séparer… Jusqu’au bout, le réformateur aura innové.
Derniers lapins
En 2015, Godard fait encore faux bond à la cérémonie du Prix du Cinéma suisse qui lui décernait un Prix d’honneur. Pas chien, il avait envoyé une carte postale filmique. Dans cet impromptu hermétique, ambigu, fascinant, provoquant, il s’étonne de constater que «les Grecs avaient 4 éléments, la physique moderne pareil, les 4 murs de la maison du monde […] pour soutenir encore un peu le XXIe siècle. Mais pas de toit, pas de toi et moi, et des peuples entiers sans protection de l’imaginaire»… Prophète blagueur, bouffon des temps derniers, le sacripant a sauvé de l’ennui la soirée sans même se déplacer. Les 30 000 francs de son Prix d’honneur, il les divise en quatre: un quart pour Amnesty International, un quart pour les «chiens perdus sans collier», un quart pour les «oiseaux blessés». Il garde le dernier quart, pour inventer quelques belles farces et attrapes, histoire d’égayer une époque décérébrée et morose.
La dernière fois qu’on n’a pas vu Godard, c’est au cinéma dans Visages, Villages. Agnès Varda avait pris rendez-vous avec lui. Elle a trouvé porte close. Juste un message abstrus tracé au feutre sur la vitre de la véranda. Ebranlée, la cinéaste en pleure des larmes d’enfant et traite le mufle rollois de «peau de chien». Et puis, avec le photographe JR, elle s’assied sur un banc face au bleu Léman, apaisée dans la lumière qui danse. «Cette fin a quand même été écrite par Godard lui-même», apprécie JR.
La dernière fois qu’on n’a pas vu Godard à Cannes, c’était en 2018. Il présentait en Compétition officielle Le Livre d’image, un manifeste poétique, traité de morale et leçon de cinéma mêlant cut-up magistraux et chocs surréalistes qui force à nouveau l’admiration. Ce jour-là, le cinéaste crée l’événement sans même sortir de chez lui en inventant la conférence de presse par FaceTime. Son assistant Fabrice Aragno brandit un portable tel Moïse une table de la loi et le visage de God apparaît sur le petit écran pour égrener ses oracles sibyllins.
Et aussi: Et Godard prit la parole
Une image palmée
Le film et le happening qui l’accompagnait valaient récompense. Présidé par Cate Blanchett, le jury a réparé une forme d’injustice en créant une Palme d’or spéciale pour Jean-Luc Godard, «un artiste qui fait avancer le cinéma, qui a repoussé les limites, qui cherche sans arrêt à définir et redéfinir le cinéma».
Mosaïque de paramnésies diverses, divisée en chapitres aux titres prometteurs («Ces fleurs, entre les rails, dans le vent contraire des voyages»), rassemblant Eddie Constantine, Johnny Guitar, C.-F. Ramuz, Jean Cocteau, un dromadaire, Pasolini, le père Jules dans L’Atalante, Rosa Luxembourg, Bécassine «dont les maîtres du monde devraient se méfier car elle se tait», Gauguin, un lapin foudroyé dans La Partie de jeu de Renoir, une palme dorée frémissant à tout hasard dans les vents d’Arabie, Le Livre d’image a connu des développements parallèles permettant d’en mesurer la richesse et la profondeur, en investissant notamment le Théâtre de Vidy, à Lausanne, pour retrouver l’esprit du salon indien de la première séance des frères Lumière.
Lire pour finir: Jean-Luc Godard feuillette son passionnant «Livre d’image»
Pour conjurer les affres de la pandémie, Le Livre d’image a pris ses quartiers en été 2020 dans le château de Nyon, à quelques kilomètres du domicile de l’artiste, sous la forme de «sentiments signes passions». Quarante écrans disposés dans six espaces et quatre dépendances, dont deux échauguettes, décomposent aléatoirement la matière du film, changent incessamment sa tonalité, incitant le visiteur à faire son propre montage mental et affiner sa perception du réel.
Plus le temps passait, plus JLG semblait aimer jouer les courants d’air. Et voilà qu’il s’est absenté pour de bon. Il n’a pas cassé sa pipe, il a éteint le dernier de ses cinq cigares quotidiens. Il s’est tu, le prophète qui, depuis des lustres, annonçait la mort du cinéma. Les temps sont venus: on ne fait plus du cinéma, on vend des produits. Le maître s’est s’éclipsé, il a laissé descendre la nuit. «A cause de quoi la lumière? – A cause de l’obscurité»…
Jean-Luc Godard en quelques dates
1930 Naissance à Paris.
1948 Critique aux «Cahiers du Cinéma», qu’il quittera en 1959.
1955 Premier film, «Opération béton» (1955), un documentaire sur la construction de la Grande Dixence.
1959 «A Bout de souffle», Ours d’argent du meilleur réalisateur à la Berlinale l’année suivante.
1960 «Le Petit Soldat».
1961 «Une femme est une femme».
1963 «Les Carabiniers», «Le Mépris»; épouse Anna Karina.
1964 «Bande à part», «Une Femme mariée».
1965 Ours d’or pour «Alphaville», «Masculin féminin».
1966 «Pierrot le fou», «Made in USA».
1967 «La Chinoise», «Week-end»; épouse Anne Wiazemski.
1968 «Le Gai Savoir», «Film-tracts», «Rouge», «One + One»: fondation du Groupe Dziga Vertov.
1969 «Pravda».
1970 «Luttes en Italie».
1972 «Tout va bien»; rencontre Anne-Marie Miéville.
1980 «Sauve qui peut (la vie)».
1983 Lion d’or de la Mostra de Venise pour «Prénom Carmen».
1985 «Je vous salue Marie», «Détective».
1987 «King Lear»; César d’honneur.
1991 «Allemagne 90 neuf zéro».
1993 «Hélas pour moi».
1995 «JLG-JLG: autoportrait de décembre».
1996 «For Ever Mozart».
1988 «Histoire(s) du cinéma…».
2001 «Eloge de l’amour».
2004 «Notre musique».
2010 «Film socialisme»; Oscar d’honneur.
2014 «Adieu au langage», «Les Ponts de Sarajevo».
2015 Quartz d’honneur dans le cadre des Prix du cinéma suisse.
2017 «Image et parole».
2018 «Le Livre d’image», Palme d’or spéciale au Festival de Cannes.
2020 «Sentiments, signes, passion», ou «Le Livre d’image» décliné en exposition au château de Nyon.
2022 Décès à Rolle.