«Roma», d’Alfonso Cuaron

Redescendu sur terre après le ballet cosmique de Gravity, le réalisateur mexicain se souvient de son enfance. Dans un noir et blanc somptueux et en 70 mm, il recrée Mexico au début des années 1960. Déjouant toute dérive nombriliste, il se concentre sur la servante de sa famille, une modeste Indienne détentrice de l’immense humanité. Au-delà de ses qualités intrinsèques, Roma est une borne dans l’histoire contemporaine du cinéma. Cette œuvre magistrale faite pour se déployer sur grand écran a été produite par Netflix. Elle est donc paradoxalement destinée à des lucarnes trop étroites – télévision, ordinateur, téléphone… Tandis que certains festivals, comme Cannes, écartent les films financés par le géant américain du streaming, coupable de piétiner la sacro-sainte chronologie des médias, Roma remporte le Lion d’or à la Mostra de Venise. Cette première récompense de prestige est un signe de reconnaissance. Chassé du temple cannois, Netflix est revenu par la fenêtre vénitienne pour rappeler sa puissance économique et son audace artistique. A. Dn

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«Phantom Thread», de Paul Thomas Anderson

Pour sa deuxième collaboration avec Daniel Day-Lewis après There Will Be Blood (2007), Paul Thomas Anderson offre au comédien le rôle d’un couturier maniaque et perfectionniste au point d’en devenir tyrannique. L’Anglais est brillant, à l’image de ce drame psychologique d’une incroyable puissance esthétique et narrative. S. G.

A lire: Une arrogance toute couturée


«Heureux comme Lazzaro», d’Alice Rohrwacher

Lazzaro, qui ne se départit jamais de son sourire béat, vit en communauté dans un hameau coupé du monde, où il cultive du tabac pour le compte d’une mystérieuse marquise. En son milieu, le film bascule pour passer de la chronique sociale au conte moral. Ce troisième film d’Alice Rohrwacher impose l’Italienne comme un des grands noms du nouveau cinéma européen. S. G.

A lire: Cantate pour un saint laïque

«J’avais envie de faire un film qu’on ne peut pas raconter»


«Burning», de Lee Chang-dong

Une femme, deux hommes, un chat qui n’existe peut-être pas, des granges qui brûlent dans la nuit… Lorsque la femme se volatilise, le réel se délite. Tiré d’une nouvelle de Murakami, cette traque des souvenirs et des fantômes traverse une Corée aux dimensions illusoires. A. Dn

A lire: Une femme entre chien et loup


«La forme de l’eau», Guillermo del Toro

Dans un centre de recherche scientifique, une humble nettoyeuse noue une relation intime avec le triton humanoïde qui y est détenu. Ce conte merveilleux chante la bonté de l’abominable et en appelle à la tolérance. A. Dn

A lire: La Princesse aux eaux dormantes


«Fortuna», de Germinal Roaux

Là-haut sur la montagne, dans cet hospice du Simplon balayé par des vents glacials, des chanoines recueillent des migrants rêvant que l’Europe leur ouvre ses portes. Là-haut sur la montagne, le photographe lausannois Germinal Roaux raconte l’histoire de la jeune Ethiopienne Fortuna dans un film en noir et blanc d’une grande beauté formelle, et surtout d’une bouleversante humanité. S. G.

A lire: Les infortunes d’une réfugiée éthiopienne

Fortuna, une aventure humaine


«Leto», de Kirill Serebrennikov

A la fois mélodrame amoureux et film rock, Leto raconte en explosant les codes de la narration classique l’émergence d’une scène alternative dans le Leningrad du début des années 1980. Arrêté alors qu’il en achevait le tournage, Kirill Serebrennikov a supervisé le montage de ce film depuis son domicile moscovite, où il est assigné à résidence. Le message qu’il délivre autour de l’émancipation par l’art n’en est que plus fort. S. G.

A lire: Révolution rock à Leningrad


«La douleur», d’Emmanuel Finkiel

Pendant la guerre, Marguerite Duras joue un jeu dangereux avec un policier collabo pour retrouver son mari déporté. Le cinéaste traduit de façon bouleversante la puissance incantatoire du verbe durassien. Avec Mélanie Thierry, prodigieuse dans le rôle de l’écrivaine. A. Dn

A lire: L’amour plus fort que la guerre


«Trois visages», de Jafar Panahi

Déjouant à nouveau la censure, le cinéaste interdit de cinéma interroge avec humour et tendresse la psyché iranienne et le statut du réel à travers le portrait de trois actrices emblématiques du passé, du présent et de l’avenir. A. Dn

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«BlacKkKlansman», de Spike Lee

Après des années d’errance, le grand retour du cinéaste new-yorkais, avec un film mi-policier mi-comédie – et vraie charge contre le gouvernement de Trump – racontant l’histoire vraie d’un flic afro-américain ayant infiltré le redoutable Ku Klux Klan, qu’il présente comme un nid d’imbéciles de premier ordre. S. G.

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