■ Chernobyl (HBO)

Finalement, elle s’impose. Sur ce point, le haut de notre podium des séries 2019 ne sera guère différent de celui d’autres médias. Il y a comme une évidence avec Chernobyl. La concurrence ne manquait pourtant pas. A nos yeux, trois œuvres majeures – on met de côté le cas particulier Watchmen – dominent le paysage annuel: Il Miracolo, qui date de l’année passée mais a été découverte ici en janvier, grâce à Arte; et Years and Years.

La fiction en cinq parties de Craig Mazin s’impose néanmoins, par sa force brute dans ses débuts, par sa manière de mesurer l’ampleur des conséquences du drame de 1986. Le projet était risqué, il a provoqué d’inévitables polémiques et colères, notamment des Russes, ainsi qu’un malsain tourisme local vers la zone de sécurité. Reste que, en cette heure où la puissance humaine est interrogée comme jamais, Chernobyl est la fiction qui pose cette question de la manière la plus juste.


■ Il Miracolo (Sky/Arte)

Cette année a commencé avec une madone qui saigne et une musique qui rend fou. Dans le monde tel qu’il va, il n’en fallait pas moins. L’écrivain Niccolo Ammaniti compose une fiction captivante à partir de cette statue qui coule de rouge, et qui tétanise une Italie en pleine crise politique, avec la sortie de l’UE à l’horizon. La musique abyssale de Swan, entre autres bons choix sonores, complète une œuvre d’une intensité rare. On a déjà envie de la revoir.


■ Years and Years (BBC)

2019 se conclut sur un triomphe pour Boris Johnson aux énièmes législatives, et rien ne pouvait mieux conter, et anticiper, le sacre du pro-Brexit que cette série. Le feuilleton de Russell T Davies narre le futur proche du Royaume-Uni par bonds de cinq ans, au travers des mésaventures d’une famille, deux frères, deux sœurs autour de la grand-mère. Migrants, effondrement bancaire, risques technologiques, même transhumanisme popularisé, cette anticipation nous devance avec pertinence.

«Years and Years», l’anticipation la plus percutante du moment


■ The Loudest Voice (Showtime)

Encore une parfaite résonance avec le monde tel qu’il est. L’année prochaine, les Etats-Unis sautilleront au rythme des invectives de la campagne présidentielle. Il vaudra la peine de voir ou revoir ce biopic du créateur de Fox News, incarné de stupéfiante manière par Russell Crowe. Du lancement de la chaîne à la chute après des accusations de violences sexuelles, la minisérie décortique un itinéraire intellectuel et politique au service du populisme conservateur – et qui remplit, en somme, le vide laissé par les autres médias.

«The Loudest Voice», puissance de la TV


■ Dead to Me (Netflix)

Ces derniers mois, le thème du deuil s’est invité dans les séries, qui n’hésitent plus à l’empoigner avec d’avantage de réalisme, voire d’humour. Parmi elles, Dead to Me, dans laquelle deux quadragénaires se rencontrent après le décès de leurs maris. Mais un secret menace de miner cette amitié sur laquelle elles comptent tant… Oscillant entre drame et comédie, cette production Netflix offre une vision nuancée et féminine de la perte et des multiples manières de la vivre. Rafraîchissant.


■ Mytho (Arte)

Année faste pour Arte, qui a aussi proposé l’excellente Eden, périlleux exercice, réussi, sur le thème des migrants dans l’UE, de la gestion des camps d’accueil aux méandres de l’UE. Mytho, elle, entre dans l’intimité des familles de banlieues à jolies maisons. Elvira (épatante Marina Hands), mère de famille qui se découvre trahie et se sent tout à fait invisible, s’invente un cancer pour attirer l’attention, peut-être même un peu d’amour. Sur ce postulat simple, Anne Berest et Fabrice Gobert composent une histoire à rebondissements qui ne se laisse enfermer dans aucune catégorie. Prix du public à Séries Mania cette année, elle a déjà une deuxième saison en route, qu’on attend de pied ferme.

«Mytho», je mens pour être vue


■ Unbelievable (Netflix)

La douleur de l’agression, du viol, de l’indicible. Puis la douleur de devoir dire, justement, raconter les faits, les répéter encore et encore aux policiers, dans le cadre de la justice… Unbelievable raconte d’abord cela, un viol et ses suites dans une petite ville américaine, avant d’élargir le propos à une enquête – il y aurait eu des précédents. L’évolution de la minisérie peut décevoir un brin, elle perd de son originalité primordiale, mais sans conteste, avec ses brillantes actrices, c’est un jalon de l’année.

«Unbelievable», la douleur du récit d’un viol


■ Helvetica (RTS)

Deux ans après Quartier des banques, la RTS a dévoilé cet automne une nouvelle fiction remarquable: l’histoire de Tina, une femme de ménage au parlement embarquée dans une affaire d’espionnage. Outre un scénario ambitieux plutôt bien mené et des acteurs solides, Helvetica se distingue en dépeignant une Suisse complexe et multiculturelle, où les secondos kosovars se mêlent aux politiciens alémaniques et aux dignitaires qataris. Pour un plongeon malin dans les rouages du pouvoir helvétique. A La Rochelle cette année, elle a reçu le Prix de la meilleure fiction francophone étrangère.

«Helvetica», une espionne sous la Coupole fédérale


■ Criminal (Netflix)

C’est un concept un peu dingue, qui pourrait échouer ou, pire, déboucher sur une succession de saynètes ennuyeuses. Deux auteurs anglais ont présenté à Netflix l’idée d’une petite anthologie sur des gardes à vue de police, dans quatre pays (Grande-Bretagne, Allemagne, France, Espagne), avec trois épisodes par pays. Le résultat est le plus souvent brillant, avec des huis clos en prise, là encore, sur les réalités du moment. Ainsi quand, début novembre au sud de Londres, un camion a été découvert avec 39 corps, l’un des épisodes de Criminal abordait ces transports clandestins. Glaçant et stimulant.

«Criminal», un cruel jeu de l’interrogatoire sur Netflix


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