Quand le monde était jeune, la magie régnait. Ça grouillait de sirènes, de licornes volantes, de cyclopes et de nains. Mais voilà qu’un elfe a inventé l’électricité, quand même plus pratique que le sortilège du «fiat lux», et plus rien n’a été comme avant. Le nouveau film de Pixar prend le contrepied de Tolkien en posant l’hypothèse qu’Elrond et ses elfes se seraient sécularisés au lieu d’émigrer vers les îles de l’au-delà. Les peuples de la Faërie et les créatures des mythologies gréco-romaines vivent désormais dans des pavillons suburbains qui semblent avoir été dessinés par le Grand Schtroumpf et c’est un dragon affectueux qui jappe dans le champignon de la famille Lightfoot.

Pour ses 16 ans, Ian, elfe timide, reçoit un cadeau posthume de son père, mort avant sa naissance: une baguette magique permettant de faire revenir pour 24 heures le cher disparu. «Hockety pockety wock!» Dépassé par la puissance du sort, l’adolescent ne parvient à invoquer que la partie inférieure du dad, une paire de jambes qui se terminent au niveau du nombril par un peu de lumière. Il existerait toutefois une chance de compléter le revenant, estime le frère d'Ian, l’exubérant Barley. Les frangins se lancent dans une quête semée d’épreuves.

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Manticore truculente

On doit à Pixar des films enchanteurs tels Rebelle, Le Monde de Nemo, WALL-E, Là-haut ou Coco… La firme se montre plus balourde quand elle transpose Doc Hollywood dans un monde motorisé (Cars) ou La Rivière rouge au temps des dinosaures (Le Voyage d’Arlo). Dans un premier temps, En avant laisse craindre un nouvel exercice de translittération: la Terre du Milieu dans la banlieue de Los Angeles selon une formule que les producteurs n’hésitent pas à chiffrer – 70% de familier, 30% de fantastique.

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Mais l’affaire ne manque pas d’humour – les frangins ont maille à partir avec un gang de bikers composés de farfadets aussi minuscules que teigneux. Les personnages sont savoureux, de la maman rondouillette prête à prendre les armes pour défendre ses garçons à la manticore truculente reconvertie dans la restauration, sans oublier le flic centaure qui se claque la croupe pour partir au galop…

Ce film hanté par la figure tutélaire de Gandalf réussit même à gauchir les fondamentaux de l’heroic fantasy, car Ian et Barley se lancent dans une quête fallacieuse au terme de laquelle une ligne sinueuse s’avère le chemin le plus court entre deux points proches. Quant la recherche du père s’efface devant la découverte du frère, ce qui est un joli message.


En avant (Onward), de Dan Scanlon (Etats-Unis, 2020), 1h40.