«L’Enlèvement», ou les dérives du catholicisme selon Pie IX
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AbonnéLe vétéran italien Marco Bellocchio raconte l’histoire vraie d’un enfant juif enlevé à ses parents au XIXe siècle pour être converti de force au catholicisme

Dans sa mini-série Esterno notte (visible sur le site d’Arte), Marco Bellocchio revient sur l’enlèvement et l’assassinat par les Brigades rouges, en 1978 à Rome, du politicien centriste Aldo Moro, un sujet qu’il avait déjà abordé en 2003 dans Buongiorno, notte. A 83 ans, voici qu’il ajoute un nouveau chapitre à son imposante filmographique avec L’Enlèvement, un film historique qui évoque, à travers un kidnapping, les dérives de l’emprise de la religion sur la société italienne.
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L’histoire se déroule entre 1853 et 1870, sous le pontificat de Pie IX, le plus long de l’histoire de la papauté. Elle démarre dans le quartier juif de Bologne, lorsqu’un Inquisiteur vient annoncer à la famille Mortara qu’Edgardo, un de leurs neuf enfants, a été baptisé à leur insu par sa nourrice. Il doit dès lors recevoir, dans la Maison des catéchumènes et des néophytes, à Rome, une éducation catholique. Enlevé à ses parents sur ordre du très rigide Pie IX, le voici à 7 ans obligé de renoncer à sa foi hébraïque pour devenir un bon petit soldat de Jésus. Le Christ était juif comme toi, et comme toi il a été baptisé, lui explique-t-on… Les parents alertent la presse et l’affaire devient publique, et politique. A Bologne, le pouvoir pontifical est contesté. Mais au grand dam de ses parents, Edgardo semble de son côté s’épanouir.
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En 2016, alors que Bellocchio envisage de retracer le destin d’Edgardo Mortara, il apprend que Steven Spielberg a eu la même idée et qu’il est déjà en repérages. Mais l’Américain abandonnera finalement son projet, et l’Italien se lancera dans une libre adaptation de l’essai Il Caso Mortara, de Daniele Scalise. Racontant ce qui n’est autre qu’une conversion forcée, il parvient joliment à dépasser le cadre de l’élégante reconstitution historique pour explorer des questions universelles autour de l’endoctrinement religieux et du libre arbitre. Et plutôt que de rester dans le film d’époque classique, il fait le choix intéressant – à travers une partition tonitruante de Fabio Massimo Capogrosso surlignant parfois l’action – de construire son film comme un opéra. Même s’il se défend d’avoir fait un film avec une visée idéologique, on peine à le croire.