L’identité sexuelle, un nuage de possibilités
cinéma
Le festival genevois Everybody’s Perfect explore cette année la galaxie «queer», l’homophobie d’Etat et la sexualité du corps sportif. Performances et débats complètent les projections

Combien d’orientations sexuelles existe-t-il chez les humains? Ben… deux: hétéro ou homo. Ah, non, minute, on peut aussi être bisexuel: donc trois. Mais… les transsexuels et intersexes entrent-ils dans ces trois cases? Probablement pas… Et les queer, où se placent-ils? «Ils jouent avec tous les signes de l’identité sexuelle. Ils adoptent ces codes, qu’ils mélangent à souhait, de manière personnelle. Ils parlent d’un continuum qui s’étend entre les deux extrêmes de la polarité sexuelle», explique Agnès-Maritza Boulmer, coprésidente d’Everybody’s Perfect – Festival de cinéma LGBTIQ & A, dont la troisième édition se tiendra à Genève du vendredi 19 au dimanche 28 septembre.
Lesbien, gay, bi, trans, intersexe, queer: on a tout expliqué, sauf le «A»… «On l’a ajouté pour indiquer un nouveau mouvement qui s’appelle «les abstinents», «les asexuels» ou «les aromantiques» et qui est une réponse à la sexualité «über alles»: ce sont des jeunes, pour l’essentiel, qui ne désirent pas passer par la case sexualité.» Pirouette décloisonnante: «Nous voulons élargir le sens de ce «A» pour qu’il désigne autrui, les autres, les amis, les alliés, all – et finalement toutes les lettres de l’alphabet. L’idée, plutôt que de maintenir les chapelles, c’est d’ouvrir. Quand on lutte contre l’ostracisme, c’est bien de le faire aussi devant sa porte.» Everybody’s Perfect, c’est donc le festival de cinéma de toutes les minorités sexuelles, porté par le but «de faire tous partie d’une société harmonieuse – même si ce terme peut paraître un peu niais».
Les thèmes de l’édition 2014? «L’un est l’homophobie d’Etat – le fait de pénaliser l’homosexualité, voire de cautionner de fait la traque et toutes sortes d’actes de barbarie contre les homosexuels. Ça existe en Russie, mais aussi en Bulgarie, en Croatie, en Serbie, en Ukraine, en Ouganda, au Cameroun, au Nigeria… Et en Inde, pays qui pénalise à nouveau l’homosexualité après l’avoir dépénalisée pendant quatre ans. Imaginez les gens qui pouvaient enfin vivre libres: ils ont dû rentrer dans le placard, sauf que maintenant tout le monde le sait.» Film phare de cette thématique, Stand , du Français Jonathan Taieb, tourné clandestinement en Ukraine avec des acteurs russes qui se sont ensuite exilés, déroule une enquête sur un crime homophobe sur fond de milices anti-gay se livrant à la chasse à l’homme.
Deuxième grand axe: «Le queer, pour essayer de comprendre ce que c’est. Ce n’est pas d’une simplicité évidente, les gens sont un peu perdus et cela devient un nouvel élément de rejet.» Pourtant, la science – la génétique en particulier – dit aujourd’hui la même chose: il n’y a pas deux pôles, masculin et féminin, avec rien au milieu, mais plutôt un continuum avec une infinité de possibilités… A côté des films (dont le grec Xenia , remarqué au dernier Festival de Cannes), la galaxie queer est abordée par des performances, des ateliers, une vaste programmation d’art vidéo appelée Scotophobia («peur des ténèbres») et des rendez-vous festifs.
En collaboration avec le programme Agenda 21 – Genève ville durable, le festival s’intéresse également à la thématique «sport et genre», explorant les liens entre le corps sportif et l’identité sexuée. «Il y a un véritable trend allant dans ce sens au sein de la production cinématographique récente», relève Agnès-Maritza Boulmer. Le festival montrera notamment My Brother… Nikhil , fiction inspirée d’une histoire vraie dans le milieu de la natation et – paraît-il – premier film sur l’homosexualité réalisé en Inde, en 2005. On verra aussi, en première suisse et en compétition, Sarah préfère la course , de la Québécoise Chloé Robichaud, également sélectionné à Cannes.
Dans une offre foisonnante (130 films, à 90% inédits en Suisse), signalons enfin la soirée «Coming Out» de jeudi 25 septembre, avec films et débats, en collaboration avec l’association Stop Suicide, «parce que c’est le grand problème des ados: on sait que la première raison de suicide chez les jeunes homosexuels – dont le taux de suicide est largement supérieur à celui des autres – c’est un coming out qui se passe mal.»
Everybody’s Perfect – Festival de cinéma LGBTIQ & A , du vendredi 19 au dimanche 28 septembre à la Maison des Arts du Grütli, Genève. www.everybodysperfect.ch
Photo: «My Brother… Nikhil» serait le premier film sur l’homosexualité réalisé en Inde, en 2005