Trois mois après le tourbillon cannois dont ils ressortent passablement épuisés, les journalistes traitant du 7e art se retrouvent au Locarno Festival, quatrième manifestation européenne de catégorie A après la Berlinale, la Mostra de Venise et le Festival de Cannes, qui demeure envers et contre tout – en termes de films présentés, de professionnels accrédités et de contrats signés – le plus important rendez-vous cinématographique du monde.

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L’ambiance est particulièrement moins stressante sur les bords du lac Majeur que sur la Croisette, où il faut parfois venir plus d’une heure à l’avance pour assister à une vision de presse si on veut avoir une bonne place. Ici, il est possible de se présenter une minute avant une projection réservée aux badges «P» (presse) sans craindre d’être refoulé. Et contrairement à Cannes, où il existe une hiérarchie dans les badges distribués, pas de telle distinction: tous les journalistes ont les mêmes accès, si ce n’est que ceux qui ont leur «P» placé dans un carré rouge peuvent s'asseoir dans les premiers rangs lors des projections organisées chaque soir sur la Piazza Grande.

Badges «P» et «I»

Tous les critiques affiliés à l’Association suisse des journalistes cinématographiques (dont les deux du Temps, l’auteur de ces lignes étant en outre membre du comité de cette association) bénéficient dudit carré rouge. Mais le plus généralement, les rédacteurs devant écrire sur les films projetés sur la majestueuse Piazza, qui peut accueillir jusqu’à 8000 spectateurs, préfèrent les visionner la veille en vision de presse – il n’y a pas le côté magique de ces séances en plein air, certes, mais les fauteuils sont plus confortables, le son et l’image meilleurs, sans parler du facteur météo.

En marge des badges «P», les badges «I» (industrie) sont alloués aux producteurs, distributeurs, exploitants, etc. Ce qui fait le charme du Locarno Festival, c’est que différents types de cinéphiles s’y côtoient puisque tous les films sont aussi accessibles au public. A l’inverse de son grand frère cannois, le rendez-vous tessinois n’est pas uniquement réservé aux «professionnels de la profession», tels que Godard les avait un jour nommés.

Interviews en tête à tête

Cette année, 17 longs métrages concourent pour le Léopard d’or et un des quatre autres prix décernés samedi par le jury présidé par la cinéaste française Catherine Breillat. La compétition locarnaise étant généralement assez exigeante, peu de films sortent malheureusement ensuite dans les salles suisses. Le Temps préfère dès lors rencontrer des personnalités invitées à recevoir un Léopard d’honneur ou venues défendre un film sur la Piazza Grande, dont la programmation, tout en restant axée sur le cinéma d’auteur, est plus grand public. Les deux journalistes présents durant onze jours au Tessin ont ainsi pu s’entretenir avec des acteurs et réalisateurs comme Riccardo Scamarcio, Stéphane et Anaïs Demoustier, Valérie Donzelli, Bong Joon-ho, Song Kan-ho ou encore John Waters.

Et contrairement à Cannes, où les interviews prennent le plus souvent la forme de tables rondes réunissant plusieurs journalistes autour d’un «talent», les rencontres se font ici le plus souvent en solo, d’autant plus que les médias suisses sont privilégiés (comme les Français le sont logiquement à Cannes) et que, parmi eux, Le Temps, de par son importance et sa large couverture de l’événement, est choyé. Réalisateur du documentaire Diego Maradona, Asif Kapadia s’est ainsi entretenu avec nous en tête à tête, alors qu’à Cannes on nous avait proposé des interviews de groupe.

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