Michael K. Williams, une cicatrice américaine
Séries sur Croisette
L’Omar de «The Wire» s’est raconté dans une causerie à Canneseries. Un parcours à l’américaine, de Brooklyn à la célébrité en passant par une bagarre de bar qui l’a marqué

Ces jours se tient Canneseries, le premier Festival de Cannes dédié aux feuilletons TV. Chaque jour, nos échos de cet événement.
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C’était le personnage de série TV préféré de Barack Obama, Omar dans The Wire, et voici comment il se souvient de ce rôle: «C’était mon premier vrai job, à 30 ans. Je ne me posais pas de questions sur le personnage lui-même. Je me concentrais sur mes dialogues et mes marques de déplacement pendant le tournage. Je ne savais même pas comment gérer mon argent…»
A Cannes, au festival Canneseries, on voit souvent Michael Kenneth Williams. Parce qu’il est membre du jury, parce qu’il se remarque, avec cette cicatrice sur le visage qui a fait sa célébrité. Il est plutôt menu, marche posément, dit «yes sir» en préambule à ses réponses aux questions des journalistes, porte des habits beige marqué ou clair, parfois un tricot, aussi dans les tonalités sable. Il a incarné Omar, genre de Robin des bois ultra-violent dans les rues de Baltimore, au long des épisodes de The Wire, avant de prendre le rôle d’un homme d’affaires retors au cœur de l’Atlantic City des années 1930 pour Boardwalk Empire.
Brooklyn, hier et aujourd’hui
Un long parcours depuis son quartier d’enfance, dans Brooklyn, où il vit toujours. «Plein de gens, plein de drames», lance-t-il sur scène à l’évocation de ces années. «Dans un tel environnement, on peut vite développer de mauvais comportements. Cela a fait celui que je suis. Je ne peux pas jeter cette histoire, j’ai encore des gens que j’aime dans ce quartier. Le succès n’est pas de fuir, mais de rester là, d’être fier. Quand je suis rentré après The Wire, les gens me saluaient, ils priaient pour moi. C’est l’esprit de Brooklyn. Pourquoi irais-je vivre ailleurs?»
La danse comme salut
Il danse. C’est ce qui l’a sauvé. Début de la vingtaine, la drogue. Pour décrocher, il veut s’obstiner dans le droit chemin, poussé par une mère, originaire de Nassau, forte en matière de cadrage rigoureux. Il travaille un temps chez Pfizer, puis retour à la danse, qui lui ouvre des scènes et des clips, notamment pour Janet Jackson.
Michael K. Williams ne s’assagit pas encore. La fameuse cicatrice est due à une bagarre de bar à 23 ans. Il dit en avoir une autre, dans le cou. Il porte souvent des cols roulés. Et il a sa formule: pour évoquer les années dures de Brooklyn, il dit: «J’ai des cicatrices. Surtout intérieures.»
Le photographe et réalisateur David LaChapelle repère ce visage devenu hors norme. De la rue, il bascule irrémédiablement dans le show-business. Un petit rôle dans Bullet (1996), de Julien Temple avec Mickey Rourke, lui fait rencontrer Tupac Shakur («il a changé ma vie»), et lui sert de tremplin. Et bien sûr, dès 2002, The Wire lui offre un rôle inoubliable.
«En colère» contre David Simon
De la série de David Simon, il se souvient d’un tournage parfois tendu – lui-même bouillonnait: «Dans la deuxième saison, j’étais en colère contre David, parce que les personnages blancs prenaient beaucoup plus d’importance. Je me plaignais, je voulais que les Noirs soient plus présents. Ensuite j’ai compris que ce n’était pas une affaire de Noirs, ou de gangs de rues, ou même de Baltimore: c’était une histoire de l’Amérique. Je me suis excusé.»
En 2009, notre interview de David Simon: «Je veux raconter l’autre Amérique»
Il poursuit l’aventure américaine, avec une présence dans The Night Of et When We Rise. Il tourne en ce moment un long métrage, Motherless Brooklyn.