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Une association réunissant une trentaine de jeunes Neuchâtelois et Vaudois lance ce samedi un nouveau média dédié au cinéma. Ils entendent ainsi soutenir et faire connaître à leurs pairs une industrie qui les passionne

«Je fais des films pour réaliser mes rêves d’adolescent», disait François Truffaut. Les membres de l’association neuchâteloise Senders Production, eux, n’ont pas attendu leur majorité pour concrétiser les leurs. Ils sont une trentaine, âgés de 15 à 18 ans, répartis entre Neuchâtel et Vaud. Après avoir présenté un premier court métrage en 2020 (La Maison des Senders), réalisé en deux ans et en plus petit comité, ils dévoilent ce samedi leur nouveau projet: Motus. A savoir un média numérique gratuit visant à partager leur passion du cinéma avec les jeunes de toute la Suisse romande.
L’idée a germé en début d’année 2021. «Durant la pandémie, les salles étaient à la peine et nous nous sommes demandé comment nous pouvions contribuer à les redynamiser. Nous avons d’abord pensé réaliser un ou deux reportages pour montrer les coulisses de la branche, puis le projet a pris de l’ampleur», indique Basile Schläfli, cofondateur de l’association. A 16 ans, il étudie l’économie et le droit au lycée. Les cours terminés, il se transforme en réalisateur et gestionnaire aux multiples casquettes.
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Après un an d’efforts, cinq formats sont prêts à être diffusés pour une durée de six mois, dès le 20 mars: interviews de personnalités, chronique historique, reportages, actualités et micros-trottoirs. «Cette saison 1 représente plusieurs milliers d’heures de travail, en très grande partie bénévole. Nous avons commencé à créer notre contenu en juillet dernier au NIFFF [Neuchâtel International Fantastic Film Festival]», poursuit Maël Bürki, étudiant en arts visuels. Du haut de ses 17 ans, il est également réalisateur, présentateur et coprésident de Senders Production aux côtés d’Amandine Moreau, absente lors de notre rencontre.
Divertir, mais surtout informer
Destiné principalement à des jeunes de 15 à 25 ans, le contenu de Motus sera diffusé plusieurs fois par semaine via différents canaux: Instagram, YouTube, TikTok, mais aussi un site internet qui fera office de nœud central. «Il y a évidemment un aspect divertissement et de l’humour, mais nous voulons apporter de l’information indépendante de qualité, faire découvrir des niches du 7e art et mettre en avant les questionnements de l’industrie», relève Basile Schläfli. Il mentionne notamment la votation du 15 mai relative à la loi sur le cinéma. «En tant que jeunes réalisateurs, cela nous touche de très près et nous réfléchissons à organiser un débat, par exemple.»
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Autodidactes, ceux qui sont désormais journalistes en herbe sont allés chercher conseil auprès de professionnels des médias audiovisuels, notamment à la RTS. Ils ont également dû trouver des sources de financement pour mener à bien leur projet. «Nous avons reçu des aides du canton et de la ville de Neuchâtel, ainsi que d’acteurs privés, avec une liberté éditoriale garantie. Cela représente des dizaines de milliers de francs que nous avons pu investir dans du matériel ou pour payer un monteur et un graphiste. C’est énorme à notre âge!» s’enthousiasme Maël Bürki, encore un peu surpris par la confiance qui leur est accordée.
Motivation et professionnalisme
Parmi ces soutiens, Edna Epelbaum, exploitante de nombreuses salles de l’Arc jurassien et à Berne (Cinepel, Cinevital, Cinemont, Quinnie Cinemas Bern) et présidente de l’Association cinématographique suisse: «Nous avons rencontré cette équipe de passionnés lors de la projection de leur premier court métrage. Ils ont su nous convaincre par leurs idées, leur motivation, leur vision et leur professionnalisme. Ils ont déjà montré leur détermination à mener des projets à terme et ils savent fédérer les jeunes. Il est très important pour nous de nouer ou renouer contact avec cette population pour qu’elle reprenne l’habitude de voir des films dans de vraies et bonnes conditions.»
Sans dévoiler de montant, Edna Epelbaum indique que le soutien accordé se traduit par des tarifs «très avantageux» pour réaliser des événements et le prêt de salles pour des tournages. Mais aussi par une mise en réseau avec des professionnels de la branche, un soutien logistique, des invitations pour des concours, etc. Elle confirme que Motus dispose d’une liberté éditoriale totale: «Nous n’intervenons ni dans leurs idées, ni dans leurs réalisations. C’est très rassurant de voir des jeunes qui comprennent à quel point l’expérience cinématographique est unique et se mobilisent pour leur avenir, mais aussi le nôtre.»
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La pérennité dépendra de l’engouement
Quelles sont les ambitions pour Motus après cette première salve, qui donnera notamment la parole aux réalisateurs suisses Tim Fehlbaum et Jean-Stéphane Bron? «Nous visons la pérennité et nous avons déjà de nombreux contacts pour de nouveaux contenus. Cela dépendra toutefois de l’accueil que l’on nous réserve. Nous devrons analyser le nombre de vues que nous réalisons et les commentaires pour voir si nous parvenons à susciter un réel engouement», répond Basile Schläfli.
«On vit au jour le jour sans pression de rendement, poursuit Maël Bürki. C’est une chance de pouvoir se lancer à un âge où l’argent n’est pas un facteur déterminant. Pour nos membres, c’est une expérience enrichissante qui offre l’opportunité d’apprendre des choses qui ne sont pas enseignées à l’école, voire un métier, et de faire des rencontres.» Car pour ces jeunes, il s’agit aussi de montrer que les salles obscures sont créatrices de lien, à l’heure où les plateformes de streaming nous poussent à rester sur notre canapé.
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