«Nostalgia», voir Naples et se souvenir
festival de cannes
Mario Martone raconte le retour dans sa ville natale d’un homme cherchant à exorciser son passé. Entre drame psychologique et film de mafia, un long métrage admirablement construit

Felice a grandi à Naples mais voilà quarante ans qu’il vit à l’étranger. Il s’est marié en Egypte, est devenu musulman et son italien est un peu rouillé. Le voici de retour dans sa ville natale, où il retrouve sa vieille mère, en fin de vie et forcément profondément émue. Nostalgia évoque donc la nostalgie, ce sentiment qui peut être heureux ou douloureux selon ce qu’on en fait. Pour Felice, il s’agit avant tout de se reconnecter avec ses racines et de faire la paix avec son passé. Il est hanté par son ami d’enfance, Oreste. Ils étaient inséparables, mais quelque chose a mal tourné, un drame les a séparés.
Plus encore qu’à Naples, le film se déroule à la Sanità, un quartier pauvre fait de petites collines et de dédales de ruelles à haut potentiel cinématographique. Peut-être parce qu’il travaille aussi régulièrement pour l’opéra et le théâtre, Mario Martone, plus de trente ans de carrière mais encore relativement méconnu, utilise magnifiquement les différents espaces qui servent de scènes à son récit, minuscules appartements ou vaste église.
Passant d’un lieu à l’autre, Felice (qu’interprète Pierfrancesco Favino avec une incroyable densité) se déplace dans la Sanità comme dans un labyrinthe intérieur, cherchant à faire la paix avec ses démons. Pour accomplir ce chemin, il va se lier d’amitié avec un jeune prêtre qui a connu sa mère et qui, dans ce quartier ravagé par la criminalité, est un rempart contre la Camorra, tentant au péril de sa vie de donner une chance à des jeunes qui se croient sans avenir. Nostalgia est un drame psychologique, une chronique sociale, mais aussi un film de mafia. La manière dont Martone entremêle ces trois approches est sidérante; il y a là une construction symphonique, avec ses différents mouvements, ses ralentissements et ses brusques montées en puissance.
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Avant de découvrir ce film, espérons-le, dans les salles romandes, la Cinémathèque suisse projette le 7 juin prochain son précédent long métrage, Qui rido io, en compétition à Venise en septembre dernier. Une séance en présence du chef opérateur tessinois Renato Berta.