Certaines nuits, des éclairs sans tonnerre électrisent le ciel au-dessus du lac de Maracaïbo. Ces mystérieuses lumières présagent des catastrophes et l’on sait d’emblée que Once upon a time in Venezuela finira mal. Le Venezuela est un des plus gros producteurs de pétrole du monde et l’extraction de l’or noir provoque des ravages écologiques. Souillé par des résidus d’hydrocarbure, le lac étouffe sous les sédiments déposés par les forages. La végétation aquatique prolifère, les poissons crèvent, les habitant de Congo Mirador désespèrent. Ce village lacustre se vide – sur 700 familles, seules 30 s’accrochent encore à l’espoir de jours meilleurs.

Le film se construit sur l’opposition de deux figures, Tamara, une femme aisée et forte, propriétaire d’une ferme à cochon, soutien indéfectible de Hugo Chavez dont les posters ornent ses murs, et Natalie, l’institutrice en butte à des tracasseries administratives, qui fait ce qu’elle peut avec des livres qui manquent et de stylos qui ne marchent pas.

Rupture d'un pacte immémorial

Anabel Rodriguez Rios a passé sept ans à Congo Mirador pour documenter le lent pourrissement d’un mode de vie traditionnel, la rupture d’un pacte immémorial entre l’homme et la nature. Elle en ramène une tragédie banale provoquée, comme de bien entendu, par l’appât du gain et l’incurie des dirigeants.

Tamara cherche à acheter des voix avec des cadeaux et des vivres. Les autorités promettent des dragues qui ne viendront jamais, on attend vainement des tuyaux. Natalie se fait blâmer par une inspectrice tandis que Tamara comprend que tout combat est vain lorsque, reçue par un représentant de Maduro pour un déjeuner de travail elle est traitée avec condescendance et mépris.

Ecole flottante

Situé entre la mort du socialiste Hugo Chavez, en 2013, et la chute de son successeur, Nicolas Maduro, en 2019, le film a le tort de ne pas procéder à quelques rappels historiques et politiques à l’usage des spectateurs qui, n’étant pas des spécialistes du Venezuela, peuvent perdre le fil. Ceci dit, inutile d'être un fin politologue pour constater les effets inéluctables de la corruption et de l’impéritie gouvernementales sur une population déjà aliénée par la civilisation occidentale – obésité, T-shirts de marque, organisation de concours de Miss sur le modèle états-uniens...

Il reste à assister à la prolifération exponentielle des lentilles d’eau. Congo Mirador s’en va rejoindre l’épave d’un navire échoué dans la jungle, les pilotis se brisent, les maisons s’affaissent, le temps efface le nom de Chavez peint sur la façade de Tamara, «Il n’y a plus que de la boue et des serpents»... Natalie dérive à bord de son école flottante vers de nouveaux horizons. Once upon a time in Venezuela est dédié «aux gens de  Congo Mirador, où que vous soyez»...