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«Perfect Days», ou la poésie des petits riens selon Wim Wenders

Le réalisateur allemand retrouve la compétition cannoise avec un film sublime tourné au Japon sur l’émerveillement quotidien d’un homme solitaire affecté au nettoyage des toilettes publiques

«Perfect Days», de Wim Wenders (Japon). — © Master Mind
«Perfect Days», de Wim Wenders (Japon). — © Master Mind

On n’attendait plus grand-chose de Wim Wenders, qu’on avait tant aimé avec des films comme Alice dans les villes (1974), Paris, Texas (Palme d’or en 1984) ou Les Ailes du désir (1987). Mais voici qu’à 77 ans, le cinéaste allemand nous rapporte du Japon un film d’une indicible beauté, s’attardant sur la poésie du quotidien et porté par un acteur au sommet de son art, le grand Koji Yakusho, qu’on a notamment pu voir chez Shohei Imamura, Kiyoshi Kurosawa, Takashi Miike et Hirokazu Kore-eda.

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Dans Perfect Days, il incarne de manière taiseuse et avec une extraordinaire profondeur un célibataire vivant seul dans un petit appartement d’un quartier populaire de Tokyo. Hirayama est un employé municipal affecté au nettoyage des toilettes publiques, et ses journées se ressemblent toutes. De l’arrosage matinal de ses bonsaïs à son moment de lecture avant le coucher, son quotidien est rythmé par des gestes qui se répètent inlassablement: ceux liés à son travail ingrat qu’il effectue avec un soin d’orfèvre, mais aussi l’achat matinal au distributeur d’un café en canette, le départ camionnette, son pique-nique de midi dans un parc, ou encore son passage par les bains publics en fin de journée avant de s’arrêter dans une gargote située dans un passage souterrain.

Cassettes audio vintage

Même rituel lors de son jour de congé, avec une halte à la laverie automatique, l’achat d’un nouveau livre dans les bacs à solde d’une petite librairie et le dépôt dans un magasin de photo de sa pellicule de la semaine, en échange de ses tirages lors de sa précédente venue. Car Hirayama est un homme anachronique, qui aime photographier en noir et blanc (la «couleur» de ses souvenirs) les arbres et les rayons du soleil, tandis qu’il écoute en conduisant des cassettes audio que son jeune collègue aimerait d’ailleurs bien vendre, car elles sont vintage et recherchées.

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Le récit sera ainsi rythmé par 12 réveils et autant de journées au cours desquels Hirayama trouvera toujours quelque chose qui l’émerveillera, que ce soit une branche caressée par le vent, un reflet sur une vitre, un SDF enlaçant un arbre ou deux fans de baseball en désaccord. Mais parfois, sa routine sera contrariée, par l’irruption d’une nièce fugueuse ou l’absence subite de son collègue. Utilisant magnifiquement les paroles des morceaux qu’écoute son héros pour surligner ses émotions (Perfect Day de Lou Reed, Pale Blue Eyes du Velvet Underground, Sunny Afternoon des Kinks ou une des nombreuses reprises du Feeling Good de Nina Simone), Wim Wenders réussit un film d’une bouleversante beauté sur un homme ayant choisi de vivre et de s’épanouir dans la simplicité. Durant deux heures, on est comme en apesanteur dans un autre espace-temps, souvent au bord des larmes face à la beauté intérieure d’un homme qui gardera ses secrets.