Coup de tonnerre dans le monde du cinéma. Le réalisateur de films franco-polonais Roman Polanski a été arrêté samedi à son arrivée en Suisse, où il devait recevoir aujourd’hui un prix au Festival du film de Zurich. La police zurichoise a exécuté un mandat d’arrêt international lancé contre Polanski par les autorités américaines pour une affaire de mœurs qui remonte à 1977.

Roman Polanski, qui est âgé de 76 ans, pourra faire appel d’un éventuel ordre d’extradition signifié par le tribunal pénal fédéral, puis par le Tribunal fédéral, a expliqué dimanche l’Office fédéral de la justice. S’il devait être extradé aux Etats-Unis, il pourrait finir sa vie en prison.

L’Office fédéral de la justice a confirmé l’arrestation du cinéaste son placement en détention provisoire. «Il n’y a pas de raison de ne pas exécuter un mandat d’arrêt international valable», a expliqué un porte-parole de l’OFJ. Les organisateurs du Festival de cinéma à Zurich, eux, sont consternés. Les réalisateurs suisses de films ont aussitôt protesté violemment. Leur association estime que l’arrestation de Polanski est «un scandale juridique qui nuira à la réputation de la Suisse à travers le monde» et «une claque dans le visage de tous les producteurs de culture en Suisse».

En France, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, s’est déclaré «stupéfait» par l’arrestation de Polanski, qui a la nationalité française et vit en France. Il «regrette de la manière la plus vive qu’une nouvelle épreuve soit infligée à celui qui en a déjà tant connu». Le ministre s’est aussitôt entretenu du sort de Polanski avec le président français Nicolas Sarkozy, lequel suit personnellement le dossier «avec la plus grande attention» et «partage le souhait d’une résolution rapide de la situation».

Roman Polanski avait été arrêté en 1977 à Los Angeles à la suite de la plainte des parents d’une adolescente de 13 ans. Il avait plaidé coupable de «relations sexuelles illégales». Les faits s’étaient produits dans la villa de la star d’Hollywood Jack Nicholson lors d’une soirée arrosée au champagne. Polanski avait aussi fait consommer de la drogue à la mineure avant d’entretenir des relations sexuelles avec elle.

Envoyé en «observation psychiatrique» pendant trois mois, il y avait passé 47 jours. Puis il avait pris la fuite, un jour du mois de janvier 1978, au lendemain d’une réunion entre ses avocats et le juge. Cedernier avait laissé entendre qu’il allait le renvoyer sous les verrous. Polanski avait décidé de prendre le premier avion pour Londres. Il avait finalement trouvé un refuge en France, pays dont il a acquis la nationalité et qui ne l’a jamais inquiété pour les faits qui lui sont reprochés. Un Etat n’extrade pas ses propres ressortissants.

La procédure ouverte contre Polanski à Los Angeles n’a jamais été classée. Au début de l’année 2009, Roman Polanski avait chargé ses avocats aux Etats -Unis de relancer une demande de classement des poursuites le visant. Il voulait prouver qu’il avait été victime d’un lynchage médiatique et de l’acharnement d’un magistrat partial. Il fondait sa demande sur des éléments nouveaux révélés par le film documentaire que la cinéaste Marina Zenovich a consacré à toute l’affaire: Roman Polanski: Wanted and Desired. Il faisait aussi valoir que la victime de l’époque aujourd’hui âgée de 45 ans, Samantha Geimer, lui avait pardonné et qu’elle était elle-même favorable au classement des poursuites. Mais le tribunal ne l’a pas suivi.

La remise du prix prévue ce dimanche à Zurich est reportée à une date indéterminée, a indiqué dans un communiqué le Festival du film de Zurich. Le cinéaste aurait dû recevoir un prix d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. La rétrospective de ses films reste en revanche au programme du festival. Un des films qui sera projeté est Le Pianiste, pour lequel Polanski a reçu un Oscar en 2003. C’est son ami Harrison Ford qui lui avait alors apporté son prix à Paris. Polanski n’avait pas voulu prendre le risque de se rendre à Hollywood pour la traditionnelle soirée de remise des Oscars. Polanski est un des plus grands cinéastes contemporains. Il a reçu des prix pour ses films à tous les grands festivals: Cannes, Venise, Berlin.