Il fallait un certain culot pour réaliser un film au sujet aussi simple, décanté à l’extrême, à la violence exacerbée. Séverine Cornamusaz a osé et ne s’est pas trompée. C’est souvent là, loin des scénarios tarabiscotés et des personnages trop civilisés que se jouent les drames les plus essentiels, les plus à même de nous captiver.

Cœur animal ne retient que la trame du fameux Rapport aux bêtes de Noëlle Revaz. Mais il s’agit toujours de Paul, paysan de montagne qui semble plus chérir ses bêtes que sa femme, laquelle souffre d’un mal qu’il refuse d’admettre. Le jour où Rosine (plutôt que «Vulve»!) ne peut plus travailler à ses côtés, il se résout à engager un ouvrier espagnol, Eusebio. A son contact, après le départ de Rosine pour un hôpital de la plaine, ce handicapé des sentiments va enfin s’humaniser…

Libérée du souci de fidélité à un roman en forme de long monologue, la cinéaste pose crânement son trio dans un paysage rude et grandiose, rétablit un certain équilibre des points de vue et laisse monter les conflits, un peu comme dans un western. Entre un fond de naturalisme paysan (scènes «intermédiaires» de bistrot ou de route) et une mise en scène plus efficace que vraiment inspirée, on ne décolle sans doute pas vraiment. Mais on se prend d’affection pour les personnages, superbement interprétés.

Le tout donne un film suisse plus prenant que la moyenne par son âpreté, par l’affirmation d’un décor et son désir d’une rencontre possible entre des êtres fondamentalement différents. A la fin, à la fois simple et belle, on vibre vraiment. Ce qui n’est pas si fréquent et laisse espérer d’autres films, si possible plus radicaux encore, de la part de cette jeune cinéaste en devenir.

Cœur animal, de Séverine Cornamusaz (Suisse/France 2009), avec Olivier Rabourdin, Camille Japy, Antonio Buíl, Alexandra Karamisaris. 1h30.