Recherche Apollon désespérément
Cinéma
Après «L’accord» et «Aisheen», le Genevois Nicolas Wadimoff est retourné à Gaza pour tenter de percer le mystère d’une statue découverte en mer. «L’Apollon de Gaza» est un passionnant film-enquête conçu comme une parabole

Au large de Gaza, une statue. Un Apollon dormant dans les eaux de la Méditerranée, découvert en août 2013 par un pêcheur qui a d’abord cru avoir repéré un cadavre. Lorsqu’il lit quelques mois plus tard un article du Monde racontant le surgissement de ce dieu puis sa disparition après que plusieurs experts se furent disputés autour de ses origines et même de son authenticité, Nicolas Wadimoff y voit instantanément la possibilité d’un film.
Dévoilé l’été dernier à la Semaine de la critique du Locarno Festival, L’Apollon de Gaza est au final un passionnant documentaire-enquête, bien plus qu’un simple film sur une statue. Pour le cinéaste genevois, il s’agit «d’une parabole ouverte. En fonction de leur appartenance culturelle et religieuse, les spectateurs peuvent ressentir le film différemment. Il y a une dimension spirituelle qui est bien plus importante que ce qui se passe à Gaza.»
C’est la troisième fois que Nicolas Wadimoff tourne en Palestine. Au moment de L’accord (2005), sur l’Initiative de Genève, il avait «un intérêt et une confiance dans la politique». Il a ainsi donné la parole à des gens qui, de part et d’autre, voyaient des solutions pour mettre fin au conflit israélo-palestinien. Puis est venue la désillusion, l’impression «qu’un film sur la paix s’est transformé en film sur la guerre et l’impossibilité d’une résolution politique».
Cinq ans plus tard, Aisheen tournait alors le dos à la politique pour partir à la rencontre des habitants de Gaza. «J’ai voulu scruter l’âme humaine, parler de résilience pour essayer de trouver de l’espoir.» Avant de lire l’histoire de l’Apollon dans Le Monde, il n’avait jamais pensé retourner à Gaza avec une caméra. «Et tout à coup arrive le dieu des arts, le dieu de la poésie et des oracles, celui qui est au-dessus des autres parce qu’il nous dit ce qui sera. J’y ai vu un moyen de sortir à la fois du côté inopérant de la politique et de l’impossibilité des hommes à résoudre ce conflit.»
Lire aussi: En Palestine, sur les traces d’Apollon
De rencontres en rencontres, le Genevois s’est lancé sur les traces de la statue, refaisant en quelque sorte, avec l’appui de la journaliste Béatrice Guelpa, l’enquête du Monde. Il y a dans son film, au-delà de ce qu’il révèle d’une terre meurtrie, un véritable suspense. Et des questions qui restent sans réponse, ce qui renforce le caractère impressionniste de son long métrage, et prouve que là où la télévision et les chaînes d’information en continu cherchent le sensationnalisme et l’immédiateté, la grande force du cinéma documentaire reste la manière dont il peut prendre du temps et du recul pour suggérer et révéler, sans forcément vouloir expliquer.
«Je préfère le doute et le questionnement aux certitudes, admet le réalisateur. Je suis devenu rétif aux films qui nous imposent un point de vue.»
L’Apollon de Gaza, de Nicolas Wadimoff, avec la collaboration de Béatrice Guelpa (Suisse, Canada, 2018), 1h28. Projections spéciales mardi 26 mars à Lausanne (Cinémathèque suisse, Le Capitole, 20h30) en présence du réalisateur et de l’archéologue Jean-Baptiste Humbert, le mercredi 27 à Genève (Les Scalas, 20h) avec la présence supplémentaire de l’archéologue Marc-André Haldimann et de Jean-Yves Marin, directeur du Musée d’art et d’histoire de Genève. Autres premières sur la page Facebook de Sister Distribution.